Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

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Regards sur les bergers du Sud, hier (19,avec F. Pomponi) et aujourd’hui (19,avec M. L

Sortie Découverte - Le 27/09/2009 - Lieu : Du coté du Cuscionu



Comme à chaque sortie de septembre, il régnait au sein des Amis du Parc cette ambiance bon enfant de « rentrée scolaire », après les grandes vacances que s’accordent les adhérents chaque été.
Le marteau annonçant la demi percuta le bourdon du clocher de Quenza, exhalant dans la vallée le son cristallin du bronze antique, quand le Président prit la parole pour présenter cette journée dont l’objet était de porter un regard sur les bergers du Sud, d’hier à aujourd’hui, au cœur du plateau du Cuscionu.
Le premier des intervenants, Jean-Pierre Rocca Serra, maire de Serra di Scopamena et agent du Parc nous précisa le projet mené conjointement par Le Parc Naturel Régional de Corse, la Communauté de Communes de l’Alta Rocca et le Groupement d’Action Local Sud-Corse, sur le plateau du Cuscionu et qui comprendra à terme trois parcours qui serpenteront le plateau et qui déclineront les thèmes ancestraux de l’eau, des bergers et de la pierre.
Le sentier de l’eau nous conduira en un peu plus de deux heures au sein des pozzines et des ruisseaux de Serra longa, côtoyant les épines-vinettes, les aulnes odorants, les genêts et les astragales qui essaiment les pelouses feutrées de cette vaste estive.
Celui des bergers, quant à lui, permettra en trois heures de cheminer sur les pas des premiers occupants du plateau, à la recherche d’échos de leur activité qui dormiraient encore au cœur d’anciennes bergeries dont les murs quadrillent le paysage depuis la nuit des temps.
Enfin, le sentier de la pierre amène le marcheur au sein d’empilements cyclopéens que l’on croirait conçu par des Dieux en mal d’occupation.
Des cairns aménagés permettront au randonneur de progresser sans hésitation au sein de l’immensité de l’Altipiano insulaire.

Et c’est justement vers ce haut plateau que le Président nous invita ensuite à nous rendre en empruntant la route sinueuse qui grimpe allègrement jusqu’au mille cinq cents mètres d’altitude, où ses ruisseaux cachés sous des ponts de verdure coulent tantôt vers la Tyrrhénienne, tantôt vers la Méditerranée, parfois au hasard d’un épaulement de terrain.
En ces lieux, royaumes du gypaète et du mouflon sauvage, le bruit lointain du monde expire en arrivant et le souffle du vent peut ramener alors au promeneur les fragrances auditives de leurs cris errants.
Assis dans un amphithéâtre de granit, le Président rappela aux Amis que la philosophie de ce projet mené par le Pôle d’Excellence Rurale est sous-tendu par l’espoir de revoir les bergers occuper de nouveau les estives comme ils le firent encore nombre d’entre eux au XIXème où cent cinquante familles occupaient cet espace durant la belle saison. Il rappela que l’Association milite ardemment pour la reconquête pastorale des estives et qu’elle se réjouit de la perspective de revoir des bergers de nouveau occuper l’immensité de ce plateau où les épineux progressent malgré les vaines tentatives de brulis contrôlés de ces dernières années.
Ce plan de gestion du plateau passe également par une remise en état du refuge construit il a une dizaine d’années et qui pourrait constituer un point d’accueil, un centre de ski de fond, une maison d’information, le point de départ des sentiers mentionnés ci-dessus et u point de surveillance du plateau.

Un déjeuner sur l’herbe rase, dans la douceur apaisante de ces premiers jours d’automne, réconforta plus d’un dont l’appétit s’aiguisa comme une lame de Damas à l’air pure des cimes.


Après le café, Francis Pomponi, intervenant récurrent et tellement apprécié de l’Association, nous narra l’histoire de ces bergers du Sud qui sillonnèrent ce plateau bien avant l’Ere chrétienne. Dès la fin du Moyen-âge, le triptyque de la Seigneurie, des communautés et des Casteddi quadrille de manière implacable le paysage. Nous sommes ici dans la Terre des Seigneurs de la Rocca, dont les représentants les plus connus furent Giudice et Rinuccio. Ils avaient pour vassaux, ce peuple de bergers vivant dans des cabanes de pierres et oscillant entre piaghja et muntagna au fil des saisons ou des évènements, qui néanmoins, finissent par se sédentariser progressivement partir du XVème siècle pour fonder des villages.
Un conflit latent se révèle alors entre les seigneurs qui bornent et ferment leurs terres et les bergers pour qui l’espace doit demeurer ouvert.
Le souverain d’un été, le roi Théodore y passa au début de l’hiver de l’an de grâce 1736 avant que de s’embarquer sur la plage de Solaro avant que quelques décennies plus tard, les géomètres de Louis XV arpentent le terrain pour y assurer la maîtrise foncière.
Durant les guerres de Corse, Quenza se révéla fidèle à la Sérénissime en ne se ralliera à Paoli qu’en 1763. La paix française acquise, le Cuscionu poursuivit son existence agreste et pastorale jusqu’au déclin amorcé dans le dernier tiers du XXème siècle.

Une balade bucolique sur les pozzines avoisinantes sous la conduite de David Scato, botaniste de l’Association A Muntagnera, nous permit de prendre conscience de l’extrême richesse végétale qui peuple les ondulations du Cuscionu. On y trouve une plante endémique : l’aconit corse. Présents également le Genévrier nain, l’Épinevinette de l’Etna qui forment des sortes d’îlots au milieu des pelouses fraîches, l’Ellébore, la Digitale pourpre, l’Aulne odorant, le Genet sont autant de touches colorées que le grand peintre de la nature essaima de son génie.


Quand la caravane reprit le chemin de la plaine, il est manifeste qu’une communion d’idée convergea vers le souhait ardent de voir le riacquistu en cours, permettre aux âmes des bergers futurs de s'assoupir de nouveau au murmure des ruisseaux.