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L’Agriculture bio, du producteur au consommateur:Visite d’une exploitation et pe

Sortie Découverte - Le 25/10/2009 - Lieu : En plaine orientale


Le soleil réchauffait généreusement les contreforts du Campoloro à l’heure où les Amis du Parc se reconnurent dans la cité balnéaire de Moriani.
Accueillis par monsieur Philippe PORRUNCINI, vice-Président fondateur du CIVAM BIO CORSE, association de développement de l’agriculture biologique en Corse, celui-ci nous traça avec passion les grandes lignes de l’émergence puis du développement au niveau insulaire de cette nouvelle forme d’activité infiniment plus respectueuse de l’homme et de l’environnement. La genèse remonte au milieu des années 80 où l’on entrevoit une dizaine d’arboriculteurs du Campoloro franchir le pas, bien vite rejoints par une dizaine de noiséïculteurs de Cervione. La nécessité de se regrouper dans une structure coopérative, chargée de la commercialisation, se ressentit rapidement et à partir de 1992, naquit le CIVAM qui permettra la cohérence et le décollage maîtrisé du projet.

Pour illustrer ses propos, il nous convia à nous rendre sur l’exploitation voisine de Virginie et Jean-Marie BRUNINI, arboricultures et maraîchers biologiques devant l’Eternel, qui ont débuté voilà plus de douze ans sur une exploitation qui dépasse sept hectares
Parcourant en leur compagnie les détours bucoliques de leur domaine, nous débutâmes par un véritable inspection arbustive : des rangées d’agrumes impeccablement alignés dans leur uniforme ligneux, portant fièrement leurs fruits comme des décorations rutilantes et multicolores. Les mandariniers et les clémentiniers furent les premières troupes passées en revue, sous la conduite du général Jean-Marie. Il faut savoir que la mandarine n’apparaît sous nos latitudes qu’au XIXème siècle, suivie un siècle plus tard, par la clémentine. Ce sont donc des fruits qui ont fait les délices des papilles insulaires que très récemment.
Plus loin, des cédratiers, fiers de la gloire passée de leurs aïeux, semblaient toiser les autres citrus avec une certaine condescendance. Il faut dire que la variété Cédrat de Corse était intensivement cultivée dans l’île à la fin du XIXe siècle et la production, qui était la plus importante du monde à l'époque, faisait les beaux jours des exportateurs vers l'Italie et l'Europe du Nord.
Plus humbles mais non moins succulents, les citrons se contentaient de bomber leur torse jaune à la caresse de Jean-Marie qui nonobstant en sacrifia un au hasard, d’un coup de lame bref et meurtrier pour nous en faire découvrir les entrailles juteuses.
Au cri d’agonie de leur cousin, les orangers voisins tremblaient de toute la force de leur pédoncule. Quelques uns des participants affirmèrent même qu’ils virent certains fruits tomber si discrètement de l’arbre qu’ils pensèrent à juste titre que malgré leur terreur de pourrir sur le sol, ils voulurent néanmoins que cette chute ait la grâce d'un vol!
Jean-Marie insista sur le fait que ses cultures ne connaissent aucun traitement chimique contre les maladies ou les nuisibles. Le logo AB étant délivré par un organisme certificateur indépendant qui veille au respect du cahier des charges, procède à des prélèvements périodiques, mis sous scellées et analysés.
Plus éloignés, les pommiers se réveillaient tout juste, encore inconscients du drame à l’arme blanche perpétré à quelques hectomètres. Nombre d’entre eux rougir tout de go, d’être surpris au réveil sans avoir pu lustrer un minimum leur peau encore tout humide de la rosée nocturne.
Poursuivant cette revue impeccablement préparée, nous arrivâmes dans le quartier des pamplemousses et des pomelos qui faisaient force courbettes et génuflexions aux visiteurs jusqu’à toucher quasiment le sol. Nous entendîmes, ça et là, des réflexions caustiques à propos de leur embonpoint, mais nous n’en crûmes rien et selon nous, seule une attitude de déférence respectueuse peut expliquer ces révérences arbustives.
Le maître des lieux tordit le cou à quelques lieux communs : En Corse, on pourrait croire que tout est bio. Il n’en est rien ! Jean-Marie apprit même à l’assistance médusée que de nos jours, en agriculture intensive, on n’utilise même plus le sol mais de simples erzats. Au-delà de ce qui peut sembler une absurdité, la question qu’il est légitime de se poser est bien de se demander si l’on pourrait nourrir l’humanité uniquement par des procédés traditionnels ?
Par un savant mouvement tournant, nous contournâmes une armée de figuiers désormais en léthargie jusqu’au printemps prochain et que nous laissâmes reposer en paix sur leur champ d’honneur.
Le temps commençant à manquer, nous terminâmes l’inspection par deux régiments de kakis, au garde-à-vous depuis le matin, fierté de notre hôte qui nous présenta nommément les chefs de section.
Notre guide porta à notre connaissance la manière de lutter contre les insectes qui passe par le piégeage à base de leurres, l’application d’emplâtres naturels, la protection par des filets ou par le lâcher d’autres congénères auxiliaires comme la coccinelle ou la micro-guêpe qui serait qualifiée de parasitoïde au tribunal des insectes, à savoir qu’elle se développe à l’intérieur de son hôte, puis neutralise partiellement mais suffisamment sa réponse immunitaire pour éviter de se faire rejeter.
L’heure était venue de nous transporter sur la partie maraîchère de l’exploitation.
Devant nous des serres laissant entrapercevoir des alignements millimétrés de salades dont pas une feuille ne dépassait de la rectitude de la formation. Jean-Marie félicita avec chaleur le général commandant le régiment d’astéracées pour la parfaite tenue des troupes.
Des choux, quant à eux, baillaient sous le soleil généreux, sans se préoccuper un seul instant de l’auguste assemblée venue pour les admirer. Certains même replièrent avec goujaterie leurs feuilles et nous demandèrent d’aller voir plus loin.
Ne relevant pas l’offense, mais se promettant d’inviter les meneurs à la prochaine potée de Virginie, Jean-Marie nous entraîna un peu plus loin sur le carré des épinards et là, nous pûmes apprécier le changement de discipline. : Gymnastique matinale, même le dimanche !
La suite de l’inspection dans les bataillons de poireaux, d’aubergines, de poivrons, de petits pois, de fenouil, de blette et de fraises donna entière satisfaction et remporta un satisfecit général sous de vifs applaudissements.
Les estomacs de la plupart des Amis criaient famine et invitèrent leur propriétaire à une collation salutaire et végétarienne, qu’ils firent par décence loin des cousins biologiques de leur assiette, encore vivants.

L’après-midi, nous fûmes reçus dans la superbe salle de la Communauté de Communes de la Costa Verde, conviés par monsieur PORRUNCINI et Emilie CLAUDET, chargée de mission à la promotion et communication du CIVAM BIO CORSE.
Emilie mit en exergue le fait que c’est en Costa Verde que tout commença dans les années 1980, avec quelques producteurs d’agrumes, suivis par des noiséïculteurs et des producteurs de kiwis.
Puis, le temps passant, un engouement pour ce type de production permit à l’île de compter 147 agrobiologistes l’an dernier, qui exploitent désormais plus de 4.000 hectares, offrant une palette diversifiée de produits allant des fruits aux légumes en passant par le fromage, la viande, les plantes aromatiques, la charcuterie, les confitures, l’huile d’olive et le miel.
Ce développement doit être aussi relativisé quand on sait que ces producteurs n’occupent que 4,6% de la surface agricole de l’île
Philippe crut bon de rappeler que la philosophie qui anime les agrobiologistes et qu’ils peuvent communiquer aux consommateurs, c’est de proposer non pas une garantie de résultats mais bien une garantie de moyens.
Avec Emilie, ils insistèrent sur les missions portées par le CIVAM BIO CORSE et qui se décline sur quatre grands axes majeurs :
* Conduire un programme de développement de la filière agrobiologique ;
* Favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement au besoin en pilotant des dossiers de reconversion ;
* Promouvoir les produits biologiques et informer le public ;
* Assurer la formation permanentes des agriculteurs.

Une série de questions/réponses permit aux Amis du Parc de s’informer sur les subtilités de la filière, notamment dans le domaine de l’oliveraie et de la châtaigneraie bio, avant que de séparer, une fois de plus convaincus d’avoir vécu une belle sortie instructive et porteuse d’espoir pour la Corse et … l’humanité