Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

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Lama

Sortie Découverte - Le 26/02/2006 - Lieu : Du coté de l’Ostriconi

Une trêve providentielle dans les intempéries permit à une quarantaine d’adhérents des Amis du Parc de se retrouver dans les meilleures conditions à Lama, majestueux belvédère naturel de l’Ostriconi.
Accueillis par Monsieur Baccelli, maire de la localité, c’est avec un intérêt prononcé que les participants prirent connaissance de l’histoire du village, tout en accomplissant une plaisante déambulation dans ses rues tortueuses, empruntant d’étroits passages voûtés, débouchant ça et là sur des superbes points de vue, balcons donnant sur la vallée et laissant apparaître encore des îlots d’oliviers, vestiges du continent d’oléacées qui a sombré en août 1971 sous un déluge de feu et de flammes.
L’histoire de Lama remonte au mégalithique, témoins nombre de menhirs essaimés entre ce village et Urtaca.
Après l’époque pré médiévale marquée par l’érection de nombreux castelli sur les contreforts du Monte Astu, un document retrouvé à la Bibliothèque Nationale et daté de 1206 constitue le premier témoignage fondateur du village qui s’est aggloméré au pied d’une tour de guet « A Torra ». Plus tard, comme dans toute la Corse, la peur éminemment fondée du Maure incita les gens à se regrouper sur les hauteurs et Lama n’échappa en rien à cette exigence. Ainsi peu à peu, une logique d’habitat défensif, modela la silhouette fortifiée que l’on peut encore entrapercevoir de nos jours.
Sous le joug génois, les populations devaient contribuer, bon gré mal gré, à la mise en valeur des terres par l’obligation de planter une des cinq espèces suivantes : châtaigniers, oliviers, mûriers, figuiers et vigne. Dans cette région, une immensité d’oliviers sauvages n’attendaient que cette occasion de se voir greffer et peu à peu un patrimoine arboricole, qui atteignit à son apogée 35.000 pieds, se constitua. Durant trois siècles, cette industrie oléicole fut le moteur économique de la région et l’on atteignit, au milieu du XIXème siècle, une production annuelle de 100.000 litres d’une huile dorée et savoureuse, nectar extrait de nombreux pressoirs encore bien visibles et qui fit la fortune de gros propriétaires terriens. Ceux-ci entreprirent la construction, vers la fin du XVIIIème siècle, de palazzi qui remodelèrent Lama en la dégageant de sa gangue de ruelles étroites et l’ornant de grandes maisons bourgeoises au style influencé par l’Italie voisine où il était de bon ton d’aller accomplir ses humanités. Ainsi la Casa Verde au sommet de laquelle se dresse un superbe belvédère toscan, décorée de peintures en médaillons de poètes de la Renaissance italienne, comme Pétrarque, Dante, l’Arioste, le Tasse, ou bien encore la Casa Ceccaldi ou la Casa Saturnin.
Le siècle passé va sonner le glas de cette civilisation agro-pastorale, notamment par la saignée humaine des deux guerres mondiales et l’avance inéluctable du « progrès ».
L’incendie du 27 août 1971, en quelques heures terribles, détruisit plusieurs siècles de labeurs appliqués, soignés et perpétués depuis tant de générations que l’accablement légitime qui s’ensuivit est indescriptible.
Le village entreprit sa reconversion pour survivre et après trois années d’études de faisabilité, l’option du tourisme rurale fut finalement envisagée. L’opportunité de subventions issues d’un Contrat de Plan Etat-Région permit en 1989 de créer des gîtes ruraux, d’une capacité totale de 500 lits, par une synergie entre la Commune et la majorité des familles de Lama. Cette dynamique vertueuse, qui multiplia par deux la population entre 1977 et nos jours, fut récompensée par plusieurs distinctions nationales dont le Grand Prix national de l’innovation touristique en 1989, les Bravos de l’accueil en 1995, la Médaille d’argent du tourisme en 1996 et le Label du village fleuri.
La municipalité, soucieuse également d’apporter à ses hôtes une offre diversifiée et de caractère, organise tous les ans en août le Festival Européen du Cinéma et du Monde Rural : « Chroniques villageoises » qui permet aux spectateurs de bénéficier d’avants premières de films de qualité, parfois primés au Festival de Cannes.
Les sportifs ne sont pas oubliés et disposent d’une superbe piscine, d’un court de tennis et surtout de la possibilité d’arpenter tout un réseau de chemins de randonnées pédestres sillonnant la mémoire des hautes pierres burinées par le vent, royaume éternel des bergers.
A l’issue de ce parcours passionnant dans les circonvolutions architecturales de Lama, les adhérents furent somptueusement hébergés, le temps du déjeuner, dans d’anciennes écuries remarquablement rénovées, mariant harmonieusement tradition et modernité, en un lieu d’exposition et de concert : « le Stallo »

A l’issue du repas, Monsieur Jean-François Sammarcelli, Président de la Fédération des estives de Corse : A Muntagnera, nous fit l’honneur de visiter son exploitation.
Après nous avoir conduit dans sa cave d’affinage sise dans le village même, nous le suivîmes sur les lieux de parcage et de traite de ses brebis, tout près de la chapelle de San Lorenzu, classée monument historique et que la Commune va prochainement restaurer.
Monsieur Sammarcelli a rappelé que nombre de groupements ont manifesté leur intérêt à adhérer à la Fédération. Le principe premier qui sous-tend son action réside dans la gestion raisonnée du territoire selon les principes ancestraux et mettant en relation tous les acteurs : éleveurs, forestiers, propriétaires terriens, professionnels du tourisme, qui se doivent de collaborer, au delà des inévitables conflits d’intérêts, dans un processus de rencontre, de discussion et de proposition, pour tendre vers la remise en valeur des estives, pour le bien commun des générations futures.
Il faut savoir que le territoire des estives représente le sixième de la surface totale de la Corse. Sur cette importante superficie, des disparités géographiques sont à noter et de manière générale, on peut dire que le cheptel bovin a progressé à l’inverse des ovins et des caprins.
Même si en Corse, on constate encore un pourcentage conséquent des élevages qui pratiquent la transhumance : la moitié des caprins, le tiers des porcins et ovins, le quart des bovins, ce constat encourageant doit être tempéré par un fait hélas avéré : en quelques décennies on a pu constater un abandon de la majeure partie de la montagne avec comme corollaire inéluctable une vulnérabilité des sous-bois aux incendies.
(19,cf. sur notre site Internet : Les anciens mots du Président : « Développer l’élevage » du 24/07/2004)
Monsieur Sammarcelli nous a confirmé que pour ce qui concerne les bergers, ceux qui procèdent à la transformation fromagère du lait en montagne, trouvent un débouché immédiat notamment par le biais des randonneurs qui sillonnent les massifs. Mais cette activité traditionnelle est menacée par la confusion possible entre le vrai fromage fermier et celui qui n’en respecte pas l’éthique, notamment pour ce qui concerne l’origine du lait transformé. Afin de clarifier le choix des consommateurs, A Muntagnera a créé le label « casgiu casanu », garant du savoir-faire identitaire et de l’authenticité du fromage corse.

A l’issue de cet exposé, les membres de l’association se dispersèrent en fin d’après-midi, sous le soleil radieux qui illuminait encore les sommets enneigés de la grande barrière, en se donnant rendez-vous fin mars dans la Restonica, pour l’Assemblée Générale annuelle.