Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

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Le Parc de Saleccia

Sortie Découverte - Le 30/04/2006 - Lieu : A deux pas d’Ile Rousse

La Balagne avait revêtu sa toilette printanière pour recevoir l’Association des amis du Parc en ce dernier dimanche d’avril et c’est une bonne soixantaine de membres qui avait emprunté nombre de chemins insulaires pour confluer au Parc de Saleccia, sis à quelques kilomètres vers l’orient de la cité Paoline.
Isabelle Demoustier, gérante de cet impressionnant domaine d’une centaine hectares, nous fit d’abord un rappel historique sur Saleccia et nous apprit que ces lieux furent habités et cultivés depuis des temps immémoriaux, témoins les différents sites préhistoriques présents sur des oppidums avoisinants et qui datent de l’âge du bronze, mais c’est à l’époque médiévale que l’ordonnancement prend la forme qu’on lui connaît de nos jours, avec la construction de pagliaghji, d’aghje et de terrasses cultivées. Les siècles passèrent charriant dans leur courant impétueux les limons terribles de l’insécurité et de la guerre. Ce n’est qu’au XVIII ème siècle que le domaine connaît un véritable essor, devenant propriété du Magnifico de Fabiani, gentilhomme corse dont la petite fille fut alliée à la famille de Pascal Paoli. Sous le second Empire, grâce au plan de développement régional de l’agriculture et de l’industrie, l’aigle de la prospérité posa ses ailes prodigues sur les terres balanines et permit à la région de devenir la plus riche de Corse, au niveau de l’agriculture. L’orge et le blé s’épanouirent sur les terrasses qui ourlent les coteaux et qui occupent les ¾ du domaine, les oliviers colonisèrent les zones plus rocailleuses et furent méthodiquement greffés, et les agrumes, les fruits, les légumes composèrent des échiquiers chlorophylliens qui firent la fierté de toute la contrée. Concomitamment, l’élevage se déclina sous la forme de bovins, de volailles et d’ovins qui paissaient en toute quiétude dans les pâtures avoisinantes.
Enfin, n'oubions pas la présence d'une magnanerie ceinte de mûriers, qui assura un revenu supplémentaire aux propriétaires.
On peut imaginer les efforts consentis pour amener l’eau d’irrigation, pour protéger les plantations du vent, du vol et des animaux, pour assurer l’intendance d’hébergement et de restauration des hommes de peine…
Fort heureusement, trois sources assurèrent l’apport hydrique nécessaire à une telle étendue de plantations diverses en se déversant dans des bassins d’où rayonnait des réseaux vêtus de tuiles amenant le précieux liquide jusqu’aux vergers et des canalisations souterraines qui arrivaient dans des abreuvoirs. Enfin et toujours par gravité les trop-pleins de ceux-ci se rejoignaient dans un important bassin de soixante-dix mètres de long dont l’exutoire alimentait un petit ruisseau nommé Foce qui se jette encore de nos jours dans la Méditerranée toute proche.
Conséquence de la saignée de la première guerre mondiale et de l’estocade finale de la deuxième, le domaine tomba à l’abandon et l’on ne relevait plus que la présence de quelques sporadiques bergers.
Relevé au début des années cinquante par Jean-Baptiste Acquaviva qui plante vignoble, orge tout en préservant le millier d’oliviers et de mûriers blancs qui végétaient là depuis des décennies et crée la première pépinière, Saleccia connaît un net regain avec l’arrivée de Bruno Demoustier son beau-frère qui reprend le flambeau et par son talent affirmé de paysagiste, donne au domaine une configuration voisine de celle que nous connaissons.
Le terrible incendie de l’été 1974 ravage la région et Saleccia, une fois passé le fleuve de feu, ne laisse entrapercevoir dans les cendres fumantes qu’une dizaine d’oliviers ayant échappé au désastre !
Patiemment, année après année, Bruno Demoustier, greffe et protège les rescapés, débroussaille et plante de nouvelles essences endémiques puis Méditerranéennes, enfin de toutes provenances et l’idée du Parc de Saleccia prend corps dans une organisation de l’espace où s’insèrent des collections végétales comme des pierres précieuses dans des chatons.
Ce bref retour dans le temps effectué, nous partîmes à la découverte du parc emboîtant le pas de la fille du concepteur, guide averti des lieux.

Saleccia se décline selon six thèmes majeurs :

*tout commence par les chemins du maquis, véritable immersion dans un mare nostrum végétal où l’on côtoie l’arbousier, le myrte, l’immortelle ou le lentisque,
* l’on débouche ensuite sur l’espace méditerranée, véritable palette de chromatisme et de fragrances qui cerne une verdoyante pelouse par des touches subtiles de lauriers, de cinéraires, d’euphorbes ou de lantanas,
* chemin faisant, nos pas nous conduisent naturellement au sentier romantique où une kyrielle de variétés de rosiers se mirent ça et là dans des bassins colonisés par de mirifiques nénuphars,
* quelques chefs-d'œuvre floraux plus loin, l’on déambule sur les chemins de l’olivier, véritable voyage initiatique dans la Méditerranée d’Homère, où plus de cent variétés conversent du chuchotement de leurs myriades de feuilles oblongues, qu’Eole effleure de ses doigts légers,
* le sentier sauvage, vestige des temps anciens où l’homme n’avait pas encore posé son empreinte sur l’harmonie naturelles des lieux, nous fait déambuler sous de vénérables chênes que n’aurait pas renié le grand Georges de Sète,
* Enfin, la vallée des lauriers-roses achève la promenade par un kaléidoscope parfumé, errant du blanc immaculé au rouge le plus vif.

Une collation prise dans l’enceinte même du domaine en compagnie des concepteurs, ponctua de manière conviviale cette superbe matinée au royaume des plantes et des fleurs qui nous offrirent un hymne à la Nature en célébrant le sacre du Printemps.



En début d’après-midi, un convoi conséquent de véhicule prit l’étroite route amenant dans l’arrière pays, à la retenue d’eau de Codole, qui contrôle le Regino depuis trente cinq années et qui alimente en eau potable une grande partie de la Balagne.
Rappelons que l’Association des Amis du Parc a signé une convention de gestion avec l’Office d’Equipement Hydraulique de la Corse, qui présente plusieurs volets :
* un suivi annuel de la fréquentation du plan d’eau par l’avifaune et qui permet de participer au programme Wetlands International,
* un contrôle de l’avifaune du plan d’eau a été assuré par des bénévoles de l’association durant l’été 1994 et a conduit à empêcher de manière pérenne la chasse au gibier d’eau sur embarcation,
* en 2000, l’Association a conduit une étude régionale sur la problématique de gestion de la cistude d’Europe face aux introductions de la tortue de Floride,
* en 2005, une évaluation des espèces nicheuses a été menée sur le plan d’eau, dans le cadre du programme STOC-EPS,
* un suivi de la population de cistudes est effectué chaque année et basé sur la méthode « Capture-Marquage-Remarquage »,
* des sorties naturalistes sont fréquemment réalisées , ainsi qu’une présentation aux média de l’action de l’Association sur le site,
* Enfin, d’autres projets sont en cours comme la restauration de la roselière et de l’aulnaie, la création d’une « maison de l’eau » qui présenterait au public toutes les fonctionnalités de la retenue, d’un observatoire ornithologique, d’une réserve de pêche, d’un sentier pédagogique et la fermeture des pistes, dont la sur-fréquentation pourrait nuire au milieu
Bien qu’absent ce jour là, il nous fut aisé de percevoir l’ectoplasme de Damien Levadoux, responsable du site pour l’Association des Amis du Parc, planant sur les eaux dormantes de Codole.
(19,Pour plus de renseignements : http://www.amis-du-parc-naturel-corse.org/parc-naturel-corse/site.htm#codole)

C’est en milieu d’après-midi que les adhérents se séparèrent en se promettant, comme à chaque fois, de tous se retrouver sans faute à la prochaine sortie.