Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

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Migration printanière. Oiseaux marins

Sortie Nature - Le 09/04/2006 - Lieu : Pointe du Cap Corse

C’est au port de Macinaggio que les Amis du Parc avait convié les amateurs d’ornithologie pour une journée d’observation et de promenade dans la pointe boréale de l’île.
Il n’y avait pas moins de cinq administrateurs de l’association pour encadrer la quinzaine de curieux qui s’étaient retrouvés ce dimanche matin ensoleillé et qui prirent en premier lieu la direction de l’étang situé à la sortie nord de la localité.
Un vigoureux vent d’est peignait sans ménagement la chevelure rétive des ajoncs, le cordon littoral séparant le marais de la Tyrrhénienne était jonché d’un épais tapis de posidonies qui donnait à leur progression des allures d’une vague humaine, qui se voulait discrète pour ne pas effaroucher la faune ailée nichant paisiblement dans l’aire humide et paisible, toute proche. Un important déploiement de moyens optiques leur permit de surprendre, sans les déranger le moins du monde, nombre d’espèces vaquant à leurs paisibles occupations :
Des hérons cendrés campaient sur leurs longues pattes à l’affût patient d’un batracien en mal de vivre et seules les circonvolutions chaotiques de leur longue plume nucale au rythme des risées du large, troublait leur hiératique posture.
Tout proche de nous, un couple d’échasses blanches somnolait sur un îlet grand comme un couffin, puis quittant brusquement leur reposoir se mirent à la recherche de leur pitance en donnant de frénétiques coups de l’aiguille acérée de leur bec avide, à la surface ridée du marais.
Ca et là, des bandes de foulques macroules se poursuivaient en d’espiègles gamineries aviaires, alternant des vols rasants à des progressions palmées, semblant marcher sur les eaux en proférant des injures stridentes à l’encontre de leurs compagnons ailés.
Du V à la double brisure de leur ample voilure, des goélands leucophée semblaient tisser au zénith un quadrillage d’argent, par un perpétuel entrelacement de l’écheveau de leur vol
Plus loin, des bergeronnettes printanières se délassaient dans les roseaux ou vaquaient fébrilement, en de prodigieuses pirouettes gloutonnes, à la quête d’une nourriture que les myriades d’insectes de la mare pourvoient à profusion.
Des corneilles, par de sonores croassements contrastant nettement avec l’indolence de leur vol coutumier, semblaient demander aux espèces migratrices de quel droit elle venaient perturber la quiétude de leur milieu.
Le vol serein des hirondelles de fenêtre invitait en vain leur cousines rustiques à modérer la précipitation fiévreuse de leur maraudage insectivore.
Plus débonnaire et comme étranger aux multitudes d’agitations plumées qui l’environnaient, un héron pourpré scrutait minutieusement un recoin de roselière où se tapissait apeuré son futur déjeuner.
Enfin et comme pour couronner le tout, de la force tranquille de leurs volutes éthérées, des milans royaux faisaient choir sur leurs vassaux transis, les éclairs d’or et d’épouvante de leur rétine de Gorgone ailée.
A l’issue de cette contemplation heureuse, l’équipée prit la route de Barcaggio, charmante localité au septentrion du Cap et oasis remarqué des migrations aviaires, où l’Association œuvre depuis vingt-sept printemps en ayant déjà enfilé religieusement à plus de cinquante mille petites pattes, l’anneau consacré du baguage.
Un déjeuner sur l’herbe, que n’aurait pas renié l’école impressionniste, fut pris dans une clairière abrité de la bise Toscane par un écran de verdure où se mêlaient lentisques, joncs, myrtes, genévriers, asphodèles, genets, cistes, en d'odoriférantes épousailles printanières.
Avant que le dessert ne fut partagé entre les convives, un vautour moine s’invita dans les cieux alentours en de larges cercles concentriques. Son immense silhouette glissait en silence sur des chemins célestes que nul autre volatile ne se risquait à emprunter et l’ombre de ses larges ailes digitées semblaient obscurcir le damier vert d’eau des clairières. Entre surprise et émerveillement devant une telle aubaine, nul ne pouvait s’empêcher de louer dame Nature d’avoir crée pareille perfection de puissance et d’esthétisme.
Quand le géant des airs s’en alla toiser les éoliennes des crêtes, seules créatures dignes de rivaliser avec son envergure, il était temps de se mouvoir pour nous rendre vers la tour d’Agnello en suivant le sentier douanier qui serpente le littoral, en épousant les schistes plissés dont les vagues pétrifiées s’alanguissent paresseusement depuis des millions d’années dans les flots.
Chemin faisant d’autres espèces encore paradaient en confiance, dans ce sanctuaire où l’on se plait à rêver que jusqu’à la fin des temps, se marieront en tenue verte et bleue, la terre et l’eau :
Des cormorans huppés rasaient la surface, de la lame franche de leurs ailes d’ébène, comme pour lisser la peau des flots que des risées rebelles flétrissent.
Sur des blocs épars, des aigrettes montaient consciencieusement la garde devant une île de la Giraglia, ourlée comme à son habitude d’une mousseline d’embruns.
Gavée d’annélides, une huppe fasciée , après avoir ébloui les randonneurs de son plumage bigarré, arbora fièrement l’arc-en-ciel moucheté de noir de son couvre-chef érectile.
Aux détours du sentier, des perdrix nous précédaient et semblaient nous montrer le bon chemin de leurs sonores et fulgurants décollages au sein des fourrés.
Au pied de la sentinelle génoise, une pause salutaire permit aux participants de reprendre leur souffle sur un tapis chamarré de jonquilles, d’orchidées, de crocus et d’anémones qui mêlaient subtilement leur fragrance à des myriades de baisers iodés.
Il restait à gravir la ligne de crête qui sépare les côtes du levant jalonnées par les tours de Santa Maria Chiapella et Finocchiarola et celles du ponant flanquées de l'ouvrage de Tollare.
Sur un promontoire battu sans rémission par les vents des quatre horizons, un panorama digne de l’Olympe récompensa les courageux randonneurs de la peine encourue à la rude montée en leur octroyant lors d’un bref instant la délicieuse illusion de se croire, eux aussi, des oiseaux. Sous leurs pieds, la jointure marine de la Tyrrhénienne et de la Méditerranée s’étendait à perte de vue, n'ayant pour seule limite que la rotondité de la Terre.
C’est par un sentier abrité de l’arrière pays que l’équipée rejoignit la « maison des oiseaux » que les Amis du Parc utilisent pour leurs observations et après une collation en toute convivialité, les participants se dispersèrent, emportant avec eux les trésors que seules les âmes sensibles savent cueillir à l’arbre prodigue de la Nature.