Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

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La politique forestière en Corse

Sortie Découverte - Le 30/09/2007 - Lieu : Dans le Fium’orbu

C’est au son de la demie, carillonnée au clocher de Ghisoni et dont l’écho mourut dans le lointain des contreforts du Kyrie Eleison, qu’une cinquantaine de membres des Amis du Parc se retrouvèrent avec le même plaisir récurrent, consécutif aux trois mois de pause que connaît l’association durant la période estivale.
Accueillis au nom de la municipalité par monsieur José Micaelli, ce dernier nous permit de visiter la confrérie Sainte Croix qui se trouve être le premier édifice religieux de Ghisoni et qui fut inscrit aux monuments historiques en 1989.
Une fresque du XVIème siècle qui serait due à Saveriu Raffalli est en cours de restauration.
Attenante à cet édifice, une autre église est également dans une phase de rénovation et constituera la nouvelle salle des fêtes de la bourgade. De par sa décoration, elle témoigne de la richesse passée du village. Déjà, la toiture a été remise en état, les fresques du XVIème, maintenant protégées, vont connaître prochainement une seconde jeunesse.
On ne peut que louer le fait de voir la Commune de Ghisoni mener une politique de restauration de son patrimoine religieux et ce, malgré le coût non négligeable de l’opération pour son budget.
Cet « hors-d’œuvre » d’art religieux ingurgité en guise de petit déjeuner, nous prîmes la route départementale en direction du col de Verde, jusqu’à la maison forestière de Marmano, vestige d’une époque où la forêt domaniale était exploitée par les détenus du pénitencier de Casabianda, qui s’éloignaient du littoral durant la chaude saison.
Messieurs Fabrice Torre du Centre Régional de la Propriété Forestière (19,C.R.P.F.) et Beretti ancien agent de l’O.N.F. nous présentèrent la problématique issue de la partition de la forêt corse en deux secteurs :
* publique : où interviennent à des degrés divers l’Etat, la C.T.C., les Départements et les Communes, pour une superficie d’environ 75.000 ha, soit 20% de l’ensemble.
* privée : où interviennent 70.000 propriétaires généralement sous le régime de l’indivision et c’est dire le handicap que cela constitue, pour une superficie de 300.000 ha, soit 80% de l’ensemble.
Pour ce qui concerne ce dernier type de forêt, le C.R.P.F. propose des schémas régionaux de gestion sylvicole destinés à l’usage du propriétaire forestier privé sylviculteur.
Ils indiquent les objectifs et préconisent les règles de gestion les mieux adaptées à la forêt privée corse en l’état actuel des connaissances afin de valoriser son rôle multifonctionnel, environnemental, social et économique.
Ils apportent notamment aux propriétaires les renseignements nécessaires à l’établissement d’un document de gestion forestière durable qui garantit aux forêts leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et leur capacité à satisfaire, actuellement et pour l'avenir, les fonctions économique, écologique et sociale pertinentes, au niveau local, national et international, sans causer de préjudices à d'autres écosystèmes.
Les documents de gestion durable offerts aux propriétaire forestier privé sont: le Plan simple de gestion, le Code des bonnes pratiques sylvicoles ou le règlement type de gestion. Le conseil d’administration du C.R.P.F. de Corse prononce l’agrément de ces documents après en avoir vérifié la compatibilité avec le Schéma régional de gestion sylvicole.
Après que monsieur Torre nous ait exposé ces détails techniques, monsieur Beretti a revécu pour les Amis du Parc sa carrière sylvicole qui l’a amené à arpenter chaque m² de l’immensité boisée qui nous environnait. Que de passion dans ses propos, d’amour de ces grands sages qui nous dépassent en taille et en longévité et qui pour certain franchissent plusieurs fois le mur des siècles de leur vivant et au-delà dans la table ou l’armoire que les générations se transmettent.
Les arbres furent ses enfants qu’il soigna et protégea, car il faut savoir qu’une forêt a besoin d’être entretenu pour survivre. Cela passe par plusieurs méthodes :
* La coupe jardinatoire, qui se pratique tous les 6 à 12 ans sur l’ensemble du peuplement. A chaque passage, différentes interventions sont pratiquées avec plusieurs objectifs : récolte (19,en prélevant des arbres mûrs), amélioration (19,par éclaircie dans toutes les catégories de diamètres), régénération (19,par ouverture prudente du sous-étage et exploitation dans la futaie).
* La régénération naturelle qui est le fruit du travail réalisé dans la futaie et dans le sous-étage. Mais dans les zones où elle insuffisante, on doit procéder à des plantations par bouquets ou parquets, avec l’impératif que les essences nouvellement introduites soient adaptées à la station.
* Les travaux connexes à la coupe jardinatoire combinent plusieurs interventions dans le même passage : dégagement (19,dont l’intensité dépend de la nature et de la vigueur de la végétation concurrente), dépressage (19,au profit des plus belle tiges dans les fourrés et gaulis denses), détourage (19,en cime de perches d’avenir dans les bois non vendable), élagage et taille de formation de perches d’avenir (19,quand cela ne se fait pas de manière naturelle).
Il rappela l’importance que les forêts privées soient gérées selon les mêmes règles que les publiques : pérennisation du capital, cahier des charges rigoureux, efficience de l’exploitation, garanties de la sécurité du chantier.

L’heure du déjeuner venue, des laricio centenaires nous offrirent la protection de leur gigantesque ombrelle et l’hospitalité de leur robuste dossier.

Puis, direction la vallée du Fiumorbu, légèrement en amont de la retenue de Sampolo où nous attendaient Dominique et Jean Fazzi de l’association syndicale libre A Volta, du nom d’un hameau sis sur les hauteurs non loin du Monte Grossu, au cœur des 800 ha de leur exploitation.
Ces deux personnes ont entrepris la vaste croisade consistant à rompre l’indivision qui non seulement conduit à des aberrations fiscales pour le moins kafkaïennes voire ubuesques, mais paralyse également toute velléité d’exploitation raisonnée. La principale pierre d’achoppement consistant à recréer des titres de propriété, démarche entreprise en relation avec des notaires qui ouvriront des enquêtes pour mettre un terme à l’indivision.
Une association syndicale de travaux est un regroupement de propriétaires qui permettent d’atteindre une superficie de 200 à 300 ha, taille qui autorise une exploitation dont la rentabilité peut se révéler possible puisque les travaux à mener peuvent être heureusement subventionnés jusqu’à 80%.
Il faut savoir que chêne vert revient à la mode comme bois de chauffage et représente l’essence prépondérante des exploitations (19,49%) contrairement aux forêts publiques, vient ensuite l’arbousier 17%, chêne-liège 9% et le châtaignier 9%.
Cette démarche s’inscrit dans le temps et doit traverser même les générations. Quand on sait que le cycle d’exploitation du Laricio est de 180 ans, on mesure que le planteur d’aujourd’hui, ne verra jamais son arbre couché.
On nous parla également du ramassage des graines de ces conifères. Dans les anciens temps, des équipes (19,souvent spécialisées et venant du sud-ouest de la France) récoltaient des cônes dans des arbres sélectionnés. Elles étaient concurrencées en cela par des particuliers à qui cette activité procurerait un petit revenu. Les cônes étaient posés sur des claies, puis chauffés, remués jusqu’à ce que les graines tombent, ces dernières ramassées étaient payées au décalitre et partaient sous d’autres cieux pour ensemencer l’espérance d’autres géants.


L’ombre penchante des sommets s’assoupissait dans la vallée du Fiumorbu quand nous nous séparâmes en laissant un peu de nous-mêmes encore à respirer l’air pur et subtilement résineux des hautes futaies.