Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

Retour à la liste complète »

Archives » Sorties 2008

Sortie dans le cadre de la « Fête de la Nature »

Sortie Nature - Du 24/05/2008 au 25/05/2008 - Lieu : Sotta et autres lieux

Pour sa deuxième édition dans l’île, la Fête de la Nature proposait un programme plus diversifié que l’an dernier
Ainsi dès le vendredi 23 mai, l’association des Amis du Parc, le Parc Naturel Régional de Corse, la communauté de communes et des associations de l’Alta Rocca, organisaient une manifestation sur l’hippodrome de Zonza à l’attention des scolaires, sur une sensibilisation à l’Environnement. Le samedi, Le Conseil Général de la Corse du Sud présentait le site de Fautea, classé Natura 2000, autour des 4 thèmes de la flore, des paysages, de l’histoire de la tour génoise et de la laisse de mer. Le dimanche, l’Office de l’Environnement organisait une balade dans l’arrière pays bonifacien à la découverte de la flore et des paysages, tandis que le Parc Régional avait donné rendez-vous aux amateurs de montagne pour une randonnée parmi les pozzi du plateau du Cuscione, enfin dans le centre-Corse, l’office National des Forêts invitait à une déambulation savante dans la forêt de Vizzavona.

Les Amis du Parc, quant à eux, sont restés fidèles à l’extrême–sud et à la Commune de Sotta où ils avaient organisé la toute première Fête de la Nature en 2007.
Il faut dire que le cadre bucolique de Gallina Varja ne pouvait pas ne pas les inciter à célébrer de nouveau la Nature au sein même de son écrin.

Cette année, les Amis du Parc avait convié une classe de CM2 à s’immerger au cœur du complexe durant les deux jours de la manifestation et ce fut comme une nuée d’étourneaux à tête blonde ou brune qui s’abattit le samedi matin, dans un gazouillis assourdissant, sur l’herbe toute repue de rosée.
Ces studieux oisillons accompagnés par ailleurs d’autres poussins tout juste tombés du nid ou à peine revêtus de leur plumage juvénile se partagèrent en deux ateliers, l’un dédié à la peinture rupestre et animé par Frédéric Demouche du Musée départemental de Sartène et l’autre consacré à l’observation ornithologique, piloté par Jérôme Franchi du Parc Naturel Régional de Corse et Tony Rossi de l’Association des Amis du Parc.
Tiraillés entre les deux activités qui leur semblaient toutes deux des plus alléchantes, ne sachant vers quelle béquée se rapprocher, chaque gamin avançait et reculait, hésitant et le manifestant dans un babillage confus et une jubilation toute communicative.

Quand les deux groupes furent enfin formés à grands renforts de flux et de reflux, le premier se dirigeât vers une clairière où de grosses boules granitiques semblant provenir d’une ponte nocturne d’un rapace géant, se prêtaient parfaitement aux vues de Frédéric pour initier ses jeunes élèves à un discipline vieille comme l’humanité : l’art pariétal de la peinture.
Frédéric expliqua aux oisillons bec bé, que ce type de peinture fait appel à deux pigments, noir et ocre. Le noir est constitué généralement par du charbon de bois et les ocres sont des argiles dont la teinte naturelle varie du rouge au brun-jaune en fonction de leur teneur en oxyde de fer.
Un mode d’application est assez particulier au paléolithique : la technique du soufflé. L’ocre préalablement mâchonnée est projetée avec la bouche directement sur la paroi. Ce procédé permet de peindre sur des supports irréguliers, d’obtenir des tons dégradés et même des contours nets lorsque les mains délimitent la zone dédiée. L’utilisation des formes naturels, fissure ou mouvement de la roche, participe à la vraisemblance de la figure lui donnant plus de relief. Passant de la théorie à la pratique, Frédéric dessina au charbon de bois les contours d’un bison que n’auraient pas reniés les artistes de Lascaux. Puis prenant dans sa bouche la préparation idoine, d’un souffle maîtrisé, la surface lithique prit la teinte chaude des pigments qui semblaient s’y figer comme par le truchement d’une peinture au pistolet. Partagés entre le dégoût pour la mixture qui semblait bien peu ragoûtante et l’envie irrépressible d’essayer, les apprentis finirent par tenter l’expérience et l’essaim de gamins virevolta, alors d’impatience. Afin de limiter les atteintes inévitables à leur plumage, nous dûmes les équiper de protections plastifiées avant que de les lâcher sur les roches avoisinantes. La première étape consistant à dessiner les contours de l’animal de leur choix ne posa qu’un problème d’inspiration et les roches se couvrirent d’un bestiaire dans lequel le motif du poisson semblait le plus fréquemment choisi. Les contours dessinés, vint le moment crucial de l’application des pigments et ce fut lors un grand moment d’hilarité tout autant pour les enfants que pour les adultes qui les observaient. Des projections maladroites mêlées à des éclaboussures de rire, bien souvent sur leurs mains ou sur leur blouse, des coulures irrémédiables sur les œuvres, un bruit d’évent de cétacé haletant, des moqueries joyeuses et finalement le constat que sous un aspect primitif et aisé, l’art pariétal requière un apprentissage que les petits d’hommes de l’époque devaient entreprendre. Une belle leçon donnée à des enfants désormais si éloignés des choses simples et des trésors que l’on peut créer avec les seuls fruits de la Nature !

Pendant ces temps heureux, Jérôme et Tony, suivis d’une bande de gamins en file indienne comme une couvée disciplinée de poussins, pas peu fiers de la paire de jumelle dont ils étaient dotés, cheminaient à la recherche d’oiseaux que le printemps radieux essaimait dans les ramures. Les accompagnateurs durent d’abord faire comprendre aux gamins que leur ramage devait s’arrêter si l’on voulait entendre celui des oiseaux, puis dans le silence propice, le chant enjoué de la mésange charbonnière et le trille clair de la fauvette sarde s’élevèrent dans l’air calme du matin. Cheminant à pas de loup, la petite troupe avançait dans les sous-bois, à l’écoute attentive du roucoulement des pigeons ramiers tellement proche de celui de la tourterelle des bois, plus loin un coucou semblait l’inviter à poursuivre dans la sente ombragée corroboré par le code morse d’un pic épeiche particulièrement en verve ce jour là, de chaos granitiques avoisinants des gazouillis brefs d’hirondelles des rochers contrastaient avec les crescendos flûtés des bergeronnettes tandis que des rouges-gorges semblaient montrer le chemin en précédant la troupe de leur sautillement frénétique. En s’enfonçant toujours plus loin sous les frondaisons, des roulades brèves de grive draine se mêlaient au chant mélodieux du merle noir tandis que des pépiements espacés de moineaux s’éteignaient à mesure que l’équipée cheminait.
Et au dessus de ce monde des fourrés, bien à l’abri dans son milieu, le zénith se zébrait des paraboles lentes des goéland leucophée, que surplombait une buse attentive à la moindre escapade ailée.
De retour, la nichée étourdie dut s’administrer force jus de fruits, seul antidote capable de les dégriser de cette cacophonie plumée !

Après une solide et riante becquée prise sous une tonnelle, la colonie joyeuse des gamins s’en fut badiner sur les pelouses.
Les plus grands piaffaient à l’idée de la course d’orientation prévue pour le début d’après-midi.
Celle-ci se déroulait sur un terrain vallonné formant une vaste circonvolution dans les environs, pour revenir au point de départ.
Le parcours était jalonné de balises comportant une Q.C.M. portant sur la Nature et pour laquelle chaque mauvaise réponse augmentait le temps final, par ailleurs une lettre était à relever dont l’ensemble permettait de trouver un mot mystère, qui devait être découvert sous peine également de pénalité. On ne peut cacher qu’un esprit de compétition incontestable régnait sur la ligne de départ, d’autant que pour certains, les parents participaient également et prenaient la chose très au sérieux. Entre les premiers qui firent le circuit en un temps record voisin de la célérité d’un lièvre et les bons derniers du pas débonnaire d’une tortue d’Hermann, c’était merveille de voir les petites mains toute humides de sueur nous rendre leur feuille de marque chiffonnée, raturée, déchirée des aléas du parcours. Malgré la dure loi du classement, tout ce beau monde se consola des posters et des livres offerts au terme de l’épreuve.

Pour les plus petits, un atelier voué à l’éveil des sens au cœur des trésors de la Nature se déroulait sur une pelouse avoisinante.
Geneviève leur apprit à reconnaître les plantes endémiques courantes comme le lentisque, le myrte ou la menthe et quel ravissement de découvrir leur intérêt de donner un nom à ces choses simples qu’ils côtoient chaque jour. Un avertissement quant au danger présenté par certaines espèces ne fut pas non plus inutile à leur éducation d’apprenti herboristes.
L’animatrice leur demanda ensuite de cueillir puis de ramener une plante, d'en donner le nom et de dire s’il la trouvait « belle ». Entre les erreurs, les appréciations tellement subjectives mais aussi naïvement touchantes et les vocables estropiés, nous eûmes le plus grand mal à ne pas éclater de rire et c’eut été pour le moins inconvenant devant tant de fraîcheur dans les essences cueillies comme dans les réponses. Que dire aussi du jeu consistant à leur bander les yeux et à leur faire deviner ce qu’ils touchaient, partagés entre une peur désirée et une curiosité méfiante, les cobayes étaient ravis de cette expérience nouvelle où le toucher et l’odorat constituaient les seuls repères d’appréhension de la nature des choses et des choses de la Nature.
Quant à nous, devant tant d’innocence et de candeur, devant ces visages épanouis comme les fleurs qui les frôlaient, à l’écoute des rires qui courraient dans l’herbe verte comme des ruisseaux, nous prîmes comme un délicieux bain de Jouvence.

Ceux qui préférèrent des activités plus calmes encore, s’essayèrent aux questions posées dans le livret de la Fête de la Nature, au coloriage avec une documentation coproduite avec l'Office de l'Environnement de Corse : "Animation oiseaux" et à la confection de mobiles sur le thème des oiseaux. Assis confortablement sous des ombrages de palmes où l’air bleu reste éternellement doux, les doigts crispés sur des crayons bien grands, barbouillant les couleurs pastelles de leur modèle plumé, coupant des formes étranges pour suivre fidèlement la courbure subtile d’une aile, sages et appliqués, la langue démesurément repliée aux commissures des lèvres, les yeux exorbités, surpris même de l’intérêt d’une activité finalement si simple.

L’astre du jour se coucha sur un milliard de milliards de particules heureuses encore en suspension. En effet, nombre d’éclats de rires, de cris de joie, d’appels joyeux, de doux regards, d’embrassades, de gratitudes et de sourires tendres demeuraient en lévitation parmi les anophèles, dans l’air tiède du soir.

Dès les premiers rougeoiements de l’Orient, le gazouillis reprit tout de go dans les chalets qui abritaient les oiselets de passage. Après s’être ébroués dans une jatte d’eau et avoir picoré des graines lactées, ils se posèrent patiemment sur un muret, attendant le début des activités comme des bébés albatros en partance pour leur premier vol par-dessus les mers.

Les activités faites la veille reprirent avec des participants nouveaux, et les mêmes causes reproduisant les mêmes effets, nous connûmes une exultation tout aussi heureuse.
Aurélie, initia quelques grands à la topographie et au repérage par G.P.S. Après une rapide initiation, les gamins trop heureux de se comparer au Petit Poucet, partirent à l’aventure munis du précieux fil d’Ariane et se débrouillèrent fort bien puisqu’on les retrouva !

Geneviève quant à elle, captura dans son filet, une grosse quantité de gamins pour les amener discerner dans la Nature, l’empreinte plus ou moins pérenne de l’homme. Murets de soutènement, aire à blé, fondations de bergeries, plantations d’oliviers, carrière de pierres, pâturages, vignes, vergers, potagers, abris troglodytes, témoins antiques ou récents du rapport étroit à la Nature que nombre de citadins ont sans aucun doute perdu de leur génome.
Pour bien faire toucher de l’aile ce que signifie aménagement du milieu, Geneviève enrôla le contingent pour consolider un vénérable mur ancestral et par une saine émulation, nous assistâmes à un véritable prodige de restauration pour lequel nous gageons que désormais l’ouvrage est reparti pour mille ans, tranquille sur ses bases. Nous nous plûmes alors à imaginer ce qu’il adviendrait de Dame Nature si tous les gamins du Monde …

En fin d’après-midi, Jacques Costa, archéologue, fondateur de la revue Stantari et producteur d’émissions menant en exergue le patrimoine culturel et scientifique de la Corse, vint présenter deux courts métrages sur la préhistoire en Corse et la race canine du cursinu, suscitant parmi l’assistance intérêts et questions divers, auxquels il s’efforça de donner tout l’éclairage requis.

Ainsi tomba le rideau sur cette deuxième édition de la Fête de la Nature qui accueillit dans sa salle de verdure 150 personnes sur les deux journées, malgré des conditions météorologiques incertaines. Du vol des gamins, qui s’éloignait lentement, montait des relents irrépressibles de nostalgie mais aussi une formidable envie de nous retrouver tous, l’an prochain pour la troisième édition !


Un grand merci à tous les visiteurs amoureux de la Nature, à nos hôtes Françoise, Jean-Louis et Hassan pour leur disponibilité et leur accueil, notre gratitude également aux Editions du Maquis, à la revue Stantari, à Etiennette, Mauricette, Claudine, Aurélie, Isabelle, Guy, Frédéric, Jérôme, Luis, Alain, Tony et à tous les bénévoles qui se reconnaîtront.

Autres photos dans Actualités/ Le point sur...