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Une bise cinglante envoyée par le général Hiver surpris plus d’un Ami du Parc, qui s’illusionnait toujours quant à la chance de voir la roue des ans prendre un tour de plus, l’oiseau de la douceur éternellement posée sur son épaule.
Les gorges insondables du Prunelli, vu du col de Mercuju, charriaient un filet d’eau qu’un novembre pauvre en larmes avait chichement consenti. Cette dernière sortie de l’année avait tout de même mobilisé une cinquantaine d’adhérents sur le thème de la production de l’énergie hydraulique en Corse et était organisée sous la houlette bienveillante de Jean-Claude ROSSI, sympathique adhérent de la région.
Pour nous informer sur le sujet, nous attendait sur un belvédère surplombant le barrage de Tolla, monsieur Robert COHEN, ancien directeur adjoint de la DRIRE (19,Direction Régionale de l’Industrie de la Recherche et de l’Environnement). Robert a sillonné notamment tous les barrages hydroélectriques de Corse dans le cadre de la mission de surveillance de ces ouvrages particulièrement sensibles et tellement craints dans l’inconscient collectif depuis la catastrophe de Malpasset en décembre 1959.
Robert nous rappela d’abord que le réseau des DRIRE exerce des missions variées d'animation, d'incitation mais aussi de contrôle, ayant pour finalité le développement économique durable. L'ensemble des missions assurées pour le compte des différents donneurs d'ordres (19,principalement le Ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi et du ministère du Développement Durable) contribue à la connaissance fine de l'industrie.
Les DRIRE assurent aujourd'hui principalement quatre types de missions : le Développement économique, l’Environnement industriel, l’Energie, les Contrôles techniques de sécurité.
Robert se livra à une déclinaison des sources d’énergies possibles, réalisées ou réalisable pour la Corse. Que ce soit le nucléaire, le solaire, l’éolien, le thermique ou l’hydroélectrique, aucune solution n’est exempte d’avantages ou d’inconvénients. Ce qui est par contre certain, c’est que la consommation croît sans cesse et que personne n’envisage une seule seconde d’être rationné un jour, quant à l’usage de la fée électricité.
Il faut donc trouver et diversifier les sources d’énergie et celle que nous avions sous les yeux en est bien une que les innombrables vallées de Corse sont susceptibles d’abriter. Au-delà de la polémique inhérente à ce type d’ouvrage, Robert nous entretint sur sa mission de surveillance visant à préserver les populations vivant en aval, de tout danger prévisible.
Le barrage de Tolla, construit à la fin des années 50, en même temps que celui de Malpasset et sur le même principe du barrage-voûte connut un retard certain pour sa mise en eau, consécutivement à la survenance du drame varois.
Un confortement à sa base sur le principe du barrage-poids reporta son utilisation effective à l’année 1965.
Quelques chiffres pour décrire l’ouvrage s’imposent : d’une hauteur de 90 mètres, l’ouvrage qui fait 30 mètres d’épaisseur à son pied ne fait plus que 1 mètre 50 à son sommet ! Sa retenue de 34 millions de m3 est la plus grande de Corse et Il dessert successivement les centrales hydrauliques de Tolla (19,18 MW), d’Ocana (19,16 MW) et du Pont de la Vanna (19,8,5 MW). L’ensemble de cette chute hydroélectrique a une puissance installée de 42,5 MW.
Ce chiffre est à comparer à la puissance délivrée par un moteur de la centrale du Vazzio qui se monte à 20 MW !
Robert insista sur la diversification nécessaire des ressources à une époque particulièrement gourmande en consommation, malgré les efforts consentis sur les économies d’énergie individuelles ou collectives. La Corse bien dotée en vallées étroites et en eau ne peut négliger l’apport hydroélectrique même si l’éolien et le solaire doivent impérativement décoller de leur côté.
Enfin, il rappela qu’il ne fallait pas oublier que le barrage de Tolla sert également à alimenter en eau le bassin de Pont de la Vanna qui lui même fournit en eau la ville d’Ajaccio et une partie de la rive sud de son golfe. Ces retenues ayant donc une double vocation dont la seconde est souvent oubliée.
Robert nous parla de sa mission de surveillance particulière de ce genre de construction : des capteurs (19,pendules, théodolites et cordes vibrantes) sont incessamment relevés, même si ma surveillance visuelle demeure incontournable notamment lors des vidanges décennales.
En cas de crue, leur évacuation est assurée par un déversoir en rive gauche suivi d'une impressionnante galerie qui s’enfonce obliquement dans la montagne et qui, pour un esprit imaginatif, pourrait bien abriter le Léviathan qui hante certainement les profondeurs mystérieuses du lac de Tolla.
Un déjeuner dans la salle des fêtes de la Mairie de Tolla, aimablement prêtée par la municipalité, réconforta plus d’un Ami que le voisinage prolongé de l’eau ne contribua que bien peu à réchauffer.
Direction ensuite l’usine souterraine de Tolla située à environ 1 km en aval du barrage et qui renferme au cœur de la montagne 3 énormes turbines de 6 MW chacune, alimentée par une conduite forcée de 1m40 de diamètre qui délivre sur les aubes la pression énorme de 20 bars !
Sous la conduite de Monsieur GROS, Directeur adjoint d’EDF, en de tels lieux, comment ne pas se souvenir de nos lectures juvéniles de Jules Vernes et de faire le comparatif avec ses machines de la raison et du progrès qui ouvraient à la découverte, amélioraient la condition matérielle des hommes, augmentaient sans risque la maîtrise de la nature, ou bien encore avec ses machines qui relevaient d’une véritable folie de puissance. Si nous avions vu déambuler un capitaine Nemo ou encore un Hector Servadac, dans notre voyage au centre de la Terre, qui d’entre nous eut été vraiment étonné ?
Plus d’un siècle s’est écoulé depuis les écrits de ce visionnaire et l’on peut se poser la question de savoir si l’usage que nous faisons aujourd’hui de la technoscience a rendu l’homme plus heureux, plus sage, plus humaniste.
C’est sur cette interrogation que les Amis se dispersèrent au moment poignant où l'automne, abrégeant les jours qu'elle dévore, éteint leurs soirs de flamme et glace leur aurore.