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Dieu qu’il faisait beau, qu’il faisait chaud pour cette 3ème édition de la Fête de la Nature !
Les enfants et les plus grands avaient revêtus leur pelage d’été, peut-être pour la première fois de l’année, vu le printemps médiocre qui sévissait depuis tant de semaines…
Les Amis du Parc et le Lycée agricole de Sartène, co-organisateurs de cette journée, avaient dépêché pour l’occasion le fleuron de leurs membres dans les personnes de Valérie, Richard et Pascal.
Les salutations d’usage effectuées, la petite troupe des participants s’ébranla gaiement sur l’ancien chemin muletier qui reliait Sartène à Bonifacio en passant par le col de Suara.
Ce parcours ombragé fut considéré comme une aubaine tant la montée eut été difficile sous l’ardeur juvénile de l’astre du jour.
Nous arrivâmes sur un replat assez vaste pour accueillir les « naturalistes » en toute sécurité. Les y attendaient deux ateliers :
le premier, dédié à l’observation des insectes, étaient animé par des élèves du lycée agricole.
Les professeurs d’un jour, après avoir évoqué les caractères morphologiques de l’immensité des espèces appartenant à ce monde assez méconnu, demandèrent des volontaires pour capturer des spécimens. Bien évidemment, il y eut plus de candidats qu’il n’y avait de pièges : filets japonais, aspirateurs à mouches, filets à papillons,… pour lesquels il fallut au préalable procéder à une démonstration d’utilisation pour le moins comique tant les savants en herbe prenaient leur rôle au sérieux.
Une fois ces rudiments de pratique inculqués, ce fut merveille de voir s’égailler les petites têtes blondes et brunes, pour les unes concentrées et sérieuses et pour les autres pouffant sous cape et comment alors ne pas se remémorer ces paroles du grand Georges : « Et la bouche pleine de joyeux ramages, allait à la chasse aux papillons » !
Quelques gazouillis heureux plus tard, voilà notre vol d’étourneaux de retour, fiers de leur capture !
Une à une, les captures furent étudiées sous toutes les coutures et classées au moyen de fiches de détermination, sous la direction attentive de Valérie. Leur classification a été proposée par Carl von Linné au 18ème siècle sur la base de critères morphologiques. Nous ne garantirons pas que les études menées ce matin là furent à la hauteur des travaux du grand naturaliste suédois, mais le fou rire et les réflexions naïves afférents aux formes de mandibules, d’ailes ou de pattes compensèrent très largement l’absence de rigueur scientifique.
Pendant ce temps, l’autre atelier consacré à l’ornithologie se tenait à quelques décamètres de là et les participants plus sérieux que ceux du premier groupe écoutaient les doctes enseignements de Richard sur la faune ailée. Et d’abord quoi de plus merveilleux que de faire le silence et d’écouter les ramages qui s’élèvent du fond des bois ?
La palme est revenue sans conteste au rossignol dont le chant flûté est tellement caractéristique, mais la mésange à longue queue, le merle, le troglodyte mignon, la mésange charbonnière, le gravelot et le rouge gorge rivalisèrent de triolets et de contre-ut pour détrôner le passereau susnommé, si souvent cité dans l’allégorie printanière de tous les temps.
Ces choristes plumés ne sont pas aisés à observer au cœur des frondaisons, Richard nous proposa alors de jeter un œil dans les longues-vues mises à notre disposition sur le site.
De la patience et de la chance sont les deux ingrédients indispensables à la réussite d’une observation ornithologique réussie. Ainsi, les plus patients ou les plus chanceux purent-ils entrapercevoir les vols planés du milan royal ou du goéland leucophé, le vol plus dynamique du grand corbeau ou celui tellement tonique du faucon crécelle.
Une alternance des participants permit à tous de se familiariser tout à la fois avec les subtilités de l’élytre qu’avec celles du duvet.
Le soleil avait escaladé les nues jusqu’au zénith quand nous redescendîmes à Sartène, puis vers les bords ombragés du Rizzanese pour une bucolique collation.
En guise de digestif, nous nous rendîmes au Lycée agricole de Sartène, superbe établissement sis dans un domaine immense, cadre de notre déambulation de l’après-midi.
Nous empruntâmes ensuite un sentier qui serpente tout le domaine en épousant les circonvolutions variées de la topographie, nous faisant monter sur une crête de laquelle nos encadrants nous invitèrent à une lecture du paysage. A nos pieds, la plaine fertile du fleuve roi, en face de nous les contreforts allant jusqu’à Punta Cupartella et qui séparent la vallée du Rizzanese de celle du Baraci. Partout l’empreinte récente ou plus ancienne de l’homme a profondément modelé les paysages : les anciennes exploitations ont laissé des trouées dans l’océan de verdure (19,vignobles, cultures en terrasse, pâturages), parfois aussi le fléau des incendies a laissé de profondes cicatrices dans le milieu naturel.
De ce point haut, il nous était loisible de contempler la ripisylve qui ondule comme une couleuvre verte depuis les hauteurs du Cuscionu. Valérie et Richard nous firent remarquer que l’on n’insistera jamais assez sur le rôle primordial de ce milieu végétal pour le maintien des rives. En effet les graminées stabilisent le sol à l'échelle des mottes de terre grâce à leurs racines, les arbustes fixent de petites portions de berges grâce à leurs racines et radicelles et les aulnes, les peupliers ou les saules stabilisent le tout par sections de plusieurs mètres de large. Ainsi, hormis dans les crues séculaires comme celle de 1993, le lit du fleuve reste dans ses limites naturelles. De même, cette symbiose végétale offre aux poissons ou aux insectes un espace favorable à leur survie.
Nous remarquâmes également une extrême diversité dans la pétrographie locale. Tantôt alluvionnaires, tantôt magmatiques les roches environnantes s’étalaient comme les pages à décrypter du grand livre ouvert de l’histoire lointaine de la contrée.
Nous arrachant à grande peine à cette contemplation paysagère, Richard et Valérie nous invitèrent à poursuivre sur la sente qui enfonçait sa meurtrissure terreuse dans le jardin exubérant et fleuri de la campagne sartenaise.
Les genets, les cistes, les lavandes, les arbousiers rivalisaient de couleurs et de fragrances, propres à dérouter les promeneurs par une saturation vertigineuse des sens dans laquelle ils succombaient irrésistiblement, de plus des abeilles coquines jouant dans les corsages n’étaient pas de nature à faciliter l’orientation des dames.
C’est donc plus en titubant qu’en marchant que nous arrivâmes près d’une ancienne aire à blé qui bronzait sa ceinture de pierres sous les rais obliques de l’astre du jour.
Valérie et Richard relatèrent l’usage de ces antiques aménagements, à une époque où l’homme vivait en contact étroit avec la Nature et devait produire sa nourriture à la sueur de son front. Des aghje comme celle-là, il y en avait des centaines voire des milliers qui essaimaient le territoire comme autant de cornes d’abondance. Poursuivant en direction du Rizzanese, nous fîmes un bond encore plus lointain dans le passé en nous avoisinant du pont de Spina cavallu dont l’époque de construction remonte au 13ème siècle !
Il vit passer sous son arche la même eau dont s’est abreuvé Rinucccio della Rocca, Sampiero Corso ou Pasquale Paoli. Songeons que cet ouvrage a résisté à tous les débordements du fleuve depuis huit siècles, bel exemple du savoir-faire des architectes pisans !
Terminant notre boucle champêtre par un retour vers le lycée sur la sente arborée, nous pûmes découvrir les installations concernant les porcins et les caprins élevés dans la structure. Toutes les techniques modernes afférentes à l’élevage qui y sont dispensées concourent, sans aucun doute, à donner aux élèves une complète maîtrise de la filière en vue de leur future carrière professionnelle.
Le havre de fraîcheur de la salle polyvalente ne fut pas boudé par les promeneurs encore sous l’emprise chaude des senteurs du maquis.
Le Groupe Chiroptère Corse nous y attendait pour nous parler du monde mystérieux des chauves-souris
Un film sur ces animaux fascinants a sensibilisé particulièrement les spectateurs tant sur le plan de l’utilité de ces mammifères quant à leur prédation sur les nuisibles comme les moustiques, que par leur capacité d’écholocation qui en font des « machines » bien plus sophistiquées que nos meilleures inventions technologiques humaines. Le documentaire « Au rythme des chauves-souris » réalisé par le Groupe Chiroptère de Provence mettait en valeur le travail scientifique effectué par cette association et notamment sur le suivi télémétrique de ces mammifères qui se sont invités dans le monde des oiseaux comme les cétacés dans celui des poissons.
A l’issue de la projection, les questions fusèrent dans la salle, ravie de l’aubaine de pouvoir mieux connaître ces bêtes qu’il convient vraiment de démythifier de leur sulfureuse réputation.
Le soleil dégringolait derrière les chaos granitiques de Punta di Muro, quand nous fîmes une pause avant que de terminer la journée par la sortie amphibiens qui nous attendaient dans l’estuaire du Rizzanese.
Cette soirée de fréquence grenouille s’est déroulée sur le site de Lisciarella à l’embouchure du Rizzanese. Au crépuscule, nous pûmes observer la grenouille de berger et le crapaud vert qui nous régalèrent d’un concerto improvisé de coassements. Puis, sous l’obscure clarté qui montait des étoiles, déambulant le long de l'ancien cours du fleuve, dans l’avant-goût de vanille des nuits d’été, la rainette Sarde vocalisa nonchalamment étendue sur la roselière. Une nuée de questions sur le monde des amphibiens fit reculer une escadre de hardis moustiques.
Ainsi s’acheva cette troisième édition de la fête de la Nature organisée par les Amis du Parc et le Lycée agricole de Sartène. Gageons que tous les participants de 2009 se feront un devoir d’être de nouveau parmi nous l’an prochain. Rien qu’à lire le bonheur qui illuminait leur regard, le pari de les revoir, sans l’ombre d’une défection, n’est pas très risqué à prendre.