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Les Amis du Parc organisaient ce week-end là une sortie Nature, en Alta Rocca, basée sur la thématique du brame du cerf.
En cette saison, Les males adultes, en général plutôt solitaires, se rapprochent des hardes de femelles durant la période du rut qui débute en septembre. C’est au cours des rivalités et des combats particuliers à cette période que l’on peut entendre bramer le cerf.
Il faut savoir qu’en Corse, le cerf élaphe est de taille assez petite (19,1 mètre au garrot pour les mâles) et que ces bois sont plus court que ceux des ces cousins continentaux. L’animal aurait été introduit par les romains vers le 4ème siècle avant J.-C. et évolua en totale autarcie vers cette régression de la taille. Ce nanisme, dit insulaire, est fréquent dans le monde animal. Lorsque des individus se retrouvent isolés sur une île, il s'opère une sélection naturelle : face à des ressources limitées, seuls les plus petits individus survivent car leur besoin en nourriture est moins grand. On pense également que les lois de l’évolution ont pu amener cette régression du corps et de la ramure pour une meilleure adaptation au maquis.
Dans l’île, le cerf fut tellement braconné qu’il disparu totalement vers 1969.
Il fut réintroduit en 1985, par des animaux prélevés en Sardaigne, sous le contrôle du Parc Naturel Régionale assisté de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Office de L’Environnement de Corse, de l’Office National de la Chasse et de l’Office National de la faune sauvage et de la chasse.
Actuellement on compte environ cinq cents animaux dont deux cents en liberté, surtout en Alta Rocca.
Il existe trois enclos, à Ania (19,dans le Fiumorbu), Casabianda (19,dans la plaine orientale) et Quenza (19,en Alta Rocca), dans lesquels les animaux naissent et grandissent en toute protection, avant que d’être relâchés en pleine nature comme ce fut le cas en 1998, dans la vallée d’Asinau, bassin parallèle au plateau du Cuscionu, encadré par le massif de l’Incudine et par les aiguilles de Bavella, et dans lequel les hardes se meuvent en totale liberté.
Les naissances interviennent vers le mois d’avril et les faons ont alors toute la belle saison pour croitre et se fortifier.
Les participants à la sortie se retrouvèrent en soirée au gite d’étape de Serra di Scopamena d’où ils partirent pour se rendre sur la piste qui conduit du hameau de Cantoli à celui de Prugna. Une lune toute ventrue qui descendait moelleusement son escalier de nuages, révéla la silhouette acérée des candélabres de Bavella, à la pâle lumière de sa lanterne.
La petite cohorte des participants pu ainsi suivre le chemin sans même se servir de ses frontales, ce qui lui sembla de bonne augure pour assurer sa discrétion.
Monsieur Orsetti, agent du Parc en charge de ces animaux, avait été catégorique sur la récurrence du brame toutes les nuits de la semaine écoulée et il ne faisait aucun doute que d’un instant à l’autre nous pourrions méditer ces vers d’un grand poète japonais qui disait que « Au profond de la montagne, écartant et foulant les feuilles d'érable le cerf brame; et à l'entendre ainsi, Ah! que l'automne m'est lourdement triste! »
Hélas, était-ce la pluie qui n’avait discontinué jusqu’au crépuscule ou les détonations des chasseurs du jour, les hardes étaient bien muettes ou bien éloignées.
Seule une salamandre errante dans l’humidité du soir consola les enfants de cette déconvenue. Pour autant, n’eussent-ils pas été plus malheureux d’entendre la biche réer au clair de lune et pleurer à se fondre les yeux, son petit faon perdu dans la nuit noire ?
Après des rêves ensoleillés et gais, la même harde d'humains que la veille prit son petit déjeuner en espérant cette fois là entrapercevoir ces fantomatiques cervidés !
C’est vers le hameau de Prugna, sous la silhouette caractéristique de la Punta di u marcurinacciu, que nous quittâmes les véhicules pour avancer à pas de loup sur la piste, dans les brumes aurorales et douces. Déjà l’automne à l’œil marron accomplissait la métamorphose des châtaigniers qui ployaient désormais sous leurs lourdes bogues, d’avance prometteuses.
L’étrave du premier marcheur fendait les flots roux du chemin et l’âme de la forêt respirait du souffle tranquille de la sève qui se retire lentement du poumon des feuilles mortes.
Soudain, dans la lumière de l’aube, à l'heure où la rosée réveille les élytres, nous aperçûmes dans le sous-bois, le contour fugace d’un cerf qui détala à notre approche. Moins farouche, une biche et son faon ne semblèrent pas craindre notre présence respectueuse et discrète.
Que de grâce et de noblesse dans ces ports de tête, ces allures, ces poses, ces regards. On les sentait tout à la fois curieux et craintifs, mus par leur instinct, levant la tête à l’écoute de l’appel de leur maître enfui mais toujours proche.
Nos yeux se remplir comme des gorges assoiffées, à la promesse de la source. L’âme émue et consciente de ce privilège de pouvoir enfin contempler la même scène qui peuple toutes les nuits les rêves d’oiseaux dans les arbres et qu’ils savent si bien taire.
Marchant à reculons pour ne pas perdre un atome de ce spectacle, nous laissâmes nos éphémères amis retourner dans la forêt et expliquâmes aux plus petits qu’il fallait laisser Bambi jouer tranquillement avec sa maman.