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Au petit matin, le Monte Stello s’ébroua si fort qu’il fit choir un poudroiement neigeux sur les premiers Amis du Parc qui se trouvaient transis à Poretto, hameau de la commune de Brando, où l’Association Petre Scritte leur avait donné rendez-vous pour exposer un aperçu de son activité.
Le salut thermique des Amis du Parc exigea qu’ils fussent prestement hébergés dans la mairie annexe qui offre une vue imprenable sur l’archipel toscan et ce jour là, sur l’Italie même.
Petre Scritte avait dépêché pour la circonstance, son Président : Jean-Christophe Liccia, sa Secrétaire : Dominique Jaboulet, son Trésorier : Guy Dupuis, son Chargé de Mission : Jean-Charles Ciavatti et un des ses membres éminents : Christian Carlini.
Le Président rappela que Petre Scritte , qui vient de fêter ses vingt ans d’existence et portée originellement sur les fonds baptismaux par la passion de trois personnes, a une double vocation :
* mener des recherches historiques dans le Cap Corse ;
* œuvrer à la protection de son patrimoine.
Depuis deux décennies, l’Association réalise l’inventaire du patrimoine architectural et mobilier dans les dix-huit communes du Cap Corse, selon les normes de l’Inventaire Général du Patrimoine réalisé au niveau national, alimentant ainsi les bases de données Palissy (19,Mobilier) et Mérimée (19,Immobilier) via les services compétents de la Collectivité Territoriale de Corse, qui soutient l’Association, ainsi que la Communauté de Communes du Cap Corse et le Conseil Général de la Haute-Corse.
Deux historiens de l’Art : Caroline Paoli et Michel-Edouard Nigaglioni apportent leur savoir-faire éclairé aux travaux de Petre Scritte.
Jean-Christophe évoqua également les publications de l’Association qui sort trois numéros par an de la revue « A Cronica », le journal de l’histoire du Cap Corse. Quatre catalogues d’inventaire du patrimoine des communes de Brando, Olmeta di Capicorso, Cagnano et Barettali ont également vu le jour, en attendant ceux des autres communes cap-corsines.
Un dernier volet et non des moindres de l’activité de Petre Scritte réside dans son travail d’information vis-à-vis de ses quelques trois cent cinquante adhérents pour lesquels elle organise, trois fois par an, des visites guidées de villages, ainsi que des conférences ou des diaporamas à l’attention de tous les publics intéressés.
Faisant suite à ces propos, Jean-Charles Ciavatti, Chargé de Mission, nous proposa un diaporama de morceaux choisis de ce Patrimoine vertigineux que les siècles amoncelèrent.
Jean-Charles égrena fontaines, lavoirs, fours, maisons fortes, ponts, couvents, bergeries, aghje, pressoirs, tours, moulins, vêtements liturgiques, ébénisteries, statues, peintures, orgues, qui mériteraient pour chacun d’entre eux des heures d’explication et de contemplation respectueuse. En confidence, le Président nous confia que parfois c’était un crève-cœur de devoir trier quelques œuvres parmi les plus représentatives et de délaisser les autres, faute de temps et de moyens.
Ce travail de bénédictin, au-delà de l’inventaire qui permet déjà par la magie de l’Internet de trouver, en quelques secondes, n’importe quelle étoile dans la Galaxie patrimoniale de France, répond également à une logique de protection puisque la connaissance et le référencement des objets rend leur vol problématique, puisque susceptibles d’être reconnu.
A ce jour, ce ne sont pas moins de huit cents éléments patrimoniaux qui ont été recensés !
Un échange d’idée avec le public ponctua cette matinée instructive et humaniste, où les esprits émus des Anciens planèrent, sans nul doute, dans l’éther de notre salle de réunion.
Un repas partagé en commun à l’abri de la froidure, permit de prolonger le sillage tracé par le Temps vers un futur que nous souhaitons radieux puisque désormais pérenne.
Après déjeuner, nous nous rendîmes au lieu-dit Paruchjaoù se dressent trois édifices religieux, propriétés de la commune, classés aux Monuments historiques :
* l'église Santa-Maria Assunta; datant probablement du IXème siècle puis agrandie au XIVème,
* la chapelle Santa Maria delle Nevi, de style roman présentant des linteaux sculptés, des fresques du XIVe siècle ainsi qu'un retable du XVIe siècle,
* la chapelle de confrérie Sainte-Croix.
Sous la conduite de Christian Carlini, partout des trésors qui ont subit des ans l’irréparable outrage et que les bénévoles de l’Association ont sauvé avec un amour et une piété tout filial.
Ce serait impossible de citer toutes les merveilles entrevues, retenons déjà les tableaux de présence des confréries, les autels dont l’un est surplombé bizarrement d’un ange en pleurs, les peintures de maîtres de la Renaissance et les pullezzule, grande palme, que les quatre confréries de Brando ont tressé pendant des mois et fixé au somment de la croix portée en tête de procession Il faut savoir que les confréries d’Erbalunga, Castello, Poretto et Pozzo quittent simultanément leurs oratoires respectifs et vont visiter les autres reposoirs, en alternant chants et prières et cheminant de manière à ne jamais se croiser.
Il était temps de rejoindre le littoral et le village d’Erbalunga, en compagnie de la Secrétaire de l’association, Dominique Jaboulet.
La localité doit se visiter en cette période, encore épargnée par l’affluence touristique, où les pas du promeneur résonnent sur les dalles de lauze, en renvoyant des échos qui s’imprègnent de l’histoire de vieilles pierres.
Ainsi, nous pûmes découvrir la maison forte Gentile, ancien palais du gouverneur génois. Plus loin, les restes du donjon médiéval s’entraperçoivent dans une maison de maître du XIXème, qui accueilli l’impératrice Eugénie lors de son séjour en Corse.
Connu dès l’antiquité pour être un havre particulièrement sûr, le petit port, endormi dans sa torpeur hivernale, a certainement oublié tous les troubles du temps jadis. Ainsi, Dominique se plut à nous rappeler qu’il a pu voir à la fin de l’année 1556, les troupes franco-turques endommager sérieusement la première tour d'Erbalunga construite cinq ans plus tôt, puis quelques mois plus tard les Français prendre et détruire le port d'Erbalunga, avec l'aide des hommes des seigneurs de Brando. Reconstruite en 1561, la tour offre désormais cette silhouette tronquée caractéristique, qui s’étale sur des milliers de cartes postales qui ont essaimé les quatre horizons de la planète.
Le soleil dévalait tout schuss les pentes enneigées du Monte Stello, quand les Amis du Parc prirent congé de leurs hôtes du jour. La porte entrebâillée sur la richesse des lieux, en incita plus d’un à formuler le vœu de revenir dans cette vallée des merveilles, et plus encore dans toutes celles du Cap, succession d’amphithéâtres où s’est généreusement déversée une corne d’abondance patrimoniale.