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L’été n’avait qu’une semaine et c’était encore trop peu de temps pour donner des relents de fournaise à la moyenne vallée du Tavignano, dans laquelle les Amis du Parc se retrouvèrent une dernière fois avant la pause estivale.
Le camping Ernella les accueillit au cœur de son écrin de verdure enchâssé dans une des boucles du fleuve qui serpente l’île, des pozzines de Nino à l’interminable plage d’Aléria.
Trois thèmes majeurs figuraient, ce jour là, au menu proposé à l’appétit traditionnellement abyssal des adhérents :
* Les ruchers et les ruches de Corse ;
* L’âne corse ;
* Les chauves-souris.
Monsieur Grisoni, secondé par Bernadette Laprade Conrad, membres très actifs de l’association Marcelle Conrad nous ont présenté l’état de leur recherche sur les ruches et les ruchers de Corse.
Bien que leur quête ne soit encore pas terminée, une base de données d’une quarantaine de ruchers a déjà été constituée. L’amplitude de l’échantillon s’étale du site ne contenant qu’une seule ruche à de véritables bâtiments dédiés renfermant jusqu’à quate-vingt ruches.
Ces ruches, pour la plupart, furent exploitées depuis le milieu du 18ème siècle jusqu’à l’entre-deux guerres.
M. Grisoni se livra à une description des différents modèles de ruches dont les formes variaient selon les régions des l’île. Ainsi, dans le sud, les ruches de forme cylindrique ou parallélépipédique se plaçaient toujours verticalement, alors que dans le nord, la position horizontale était privilégiée. Cette singularité n’était pas neutre notamment pour ce qui concerne l’accessibilité de l’intérieur de la ruche, le plus souvent en châtaignier, pour en extraire le miel.
Notre intervenant nous fit part de la découverte, dans certaines habitations, de niches murales dédiées aux ruches pourvues d’une fente sur le mur extérieur afin de permettre aux apidés d’aller et venir à leur aise.
Nous apprîmes que le rayon d’action d’une abeille est d’environ 3 km, mais pas davantage. Cette limite explique pourquoi l’on peut garantir l’origine du miel en fonction de la localisation des plantes survolées.
Bernadette Conrad nous présenta un ouvrage épuisé mais que l’Association Marcelle Conrad espère bientôt enrichir et rééditer : « Plantes mellifères, abeilles et ruchers de Corse ». Cet opuscule est un véritable ravissement pour le naturaliste et n’aurait pas été renié par le grand Rousseau, lors de ses rêveries de promeneur solitaire !
Un déjeuner pris sous une tonnelle donna aux mets que nous partageâmes, ce même goût de fraîche convivialité que l’on trouverait sous d’heureux tropiques au ciel de palme.
Après une pause à l’ombre de chênes centenaires, bercés par le violon désaccordé des cigales, le Président fit un point sur la vie de l’association en ce milieu d’année, leur rappelant les grands points de l’engagement et de l’éthique des Amis du Parc, avant de passer la parole à notre hôte, Monsieur Mariani, qui nous entretint ensuite de l’Association A Runcata qui œuvre pour la valorisation et la reconnaissance des ânes et mulets en Corse. Ces animaux, dont les effectifs ont considérablement chuté au XXème siècle du fait de la mécanisation généralisée, notamment dans le secteur des transports, connaissent de nouveau un timide regain d’intérêt, principalement dans le secteur des randonnées voire comme animaux de compagnie. L’association tente de constituer une caisse de résonance à ce nouveau départ de l’espèce qui peuplait encore, dans la première moitié du siècle dernier, nos chemins rocailleux. Qui pourrait demeurer insensible à leur regard triste et ne pas dire comme Francis Jammes qui voulait aller au Paradis avec les ânes :
« …Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreilles
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles...
Que je vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié ».
A Runcata, créée en 1989, œuvre surtout dans des actions d’information vis-à-vis de ceux qui veulent se lancer dans cette belle aventure et peut s’enorgueillir que lentement mais sûrement le cheptel augmente. Ainsi de six cents têtes en 1989, la Corse compte à présent un millier d’équidés dont la taille a sensiblement augmenté puisque les bâts de « l’ancien temps » ne vont plus à ces sympathiques animaux.
Il faut savoir que les ânes de Monsieur Mariani travaillent efficacement tous les ans au nettoyage de son terrain et donc, pourquoi ne pas envisager d’étendre cette méthode écologique à la création et l’entretien de pare-feux ?
L’Association A Runcata milite également pour la reconnaissance de la race corse qui est en bonne voie de réussite. A l’issue de l’intervention de notre hôte, il n’y eu pas un seul Ami du Parc qui ne songea avec toute la nostalgie heureuse à l’évocation de ses jeunes années, que rien ne l'amusait plus, lorsqu’il était enfant, que d'aller chercher l'âne au fond d'une prairie pour lui faire cette caresse douce et tenter ainsi de lui ôter cette larme à l’œil.
Pour clôturer cet après-midi bucolique, Valérie Bosc, chargée de mission auprès de l’Association des Amis du Parc et membre du Groupe Chiroptère Corse (19,G.C.C.), qui œuvre depuis 1989 pour l'étude et la protection des chauves-souris en Corse, vint nous entretenir de ces mammifères volants tout à la fois méconnus et bien souvent victimes d’une mauvaise réputation totalement injustifiée.
Valérie nous précisa que les chiroptères se déplacent dans les airs grâce à une aile formée par une membrane de peau entre le corps, les membres et les doigts. Ils ne se posent qu'exceptionnellement au sol et s'y meuvent maladroitement, mais ils se reposent en se suspendant aux aspérités par les griffes des orteils.
L'image de la chauve-souris a souvent eu des connotations maléfiques souvent du fait de leur aspect étrange et de leur vie nocturne, qui leur ont valu longtemps d'être persécutées par l'homme. Or, quand on sait que ce petit animal consomme en moyenne un millier de moustiques chaque nuit, il devient plus que nécessaire de réviser les a priori que l’on peut posséder à son encontre.
Depuis 1989, le G.C.C. mène des études qui ont permis d’établir la liste des 22 espèces présentes sur l'île. Durant toutes ces années de nombreux gîtes ont pu être inventoriés et un programme de surveillance des 30 gîtes majeurs a été mis en place en 2000, en collaboration avec la Direction Régionale de l'Environnement et l'Office de l'Environnement de la Corse. Et pour illustrer son propos, Valérie souligna que non loin de là, sur la RN 200, au lieu-dit Scandulaghju, le G.C.C. en collaboration avec les Amis du Parc, a restauré une maison qui abritent des colonies
Par ailleurs, dans le cadre d'un partenariat avec l'Office de l'Environnement Corse, le G.C.C. a élaboré un programme d'animations pédagogiques à destination des scolaires. Celui-ci se décline, pour une classe, en 4 interventions d'une demi-journée qui présentent sous forme d'un diaporama, de jeux et d'exercices les généralités sur ces mammifères fascinants, les espèces que l'on rencontre en Corse ainsi que la biologie des chauves-souris. La dernière séance est consacrée à la réalisation d'un nichoir que les élèves auront l'occasion de surveiller puisque installé dans l'enceinte de l'école.
Souhaitons que les oisons qui peuplent nos écoles se souviendront longtemps que ces oiseaux de poils, oiseaux sans plumes, sortent quand l’étoile s’allume, de leur repaire de décombres, chauves-souris, masques de l’ombre !
Au fil de cette journée, il est à noter la similitude tragique des trajectoires de ces trois espèces qui ont tant souffert de la présence sur la même planète, d’un autre animal qui se dit « supérieur » !
Après leur sieste, les libellules batifolaient sur les rives du Tavignano quand les Amis du Parc se séparèrent pour la longue relâche de l’été.