Conservatoire d'espaces naturels de Corse

patrimoine naturel et culturel de la Corse

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La piévanie de Bravone et Santa Maria de Barcaja

Sortie Nature - Le 28/11/2010 - Lieu : Plaine de Bravone


C’est au cœur de l’ancienne piévanie de Bravone que les braves des Amis du Parc s’étaient rassemblés, au mépris d’un temps plus propice à lire Baudelaire dans la tiédeur d’une bibliothèque sous les prunelles mystiques de leur chat qui comme nous, peuvent être frileux voire sédentaires, que de déambuler dans les sous-bois détrempés du Campoloro, quand bien même le guide fut Geneviève Morracchini-Mazel.
C’est sur les lieux d’une de ses innombrables découvertes que nous fûmes conviés à la suivre, non loin de l’actuel rivage des Marines de Bravone, à l’emplacement des vestiges de Santa Maria de Barcaja, petite église piévane paléochrétienne.
En vérité, ce qui est visible de nos jours est le fruit d’une succession d’époques, d’heurs et de malheurs, de constructions, de destructions, de remplois des matériaux au gré des nécessités ou des fantaisies architecturales des anciens bâtisseurs.
Geneviève rappela aux participants dans quel contexte de pareilles constructions furent entreprises : la Corse, colonie tranquille de la conquête romaine, s’ouvre au christianisme comme toutes les contrées de Mare Nostrum, sous l’empereur Théodose le Grand.
Ainsi, au IVème siècle furent bâtis un baptistère (19,comparable à celui de Mariana) et une première église. La piscine, de forme cruciforme, comprenait quatre escaliers de deux marches immergeant le baptisé jusqu’à hauteur de l’aine, le fond était pavé de dalles de marbre blanc et des amphorettes imbriquées amenaient et évacuaient l’eau par le système bien connu de canalisations antiques.
De l’église à trois nefs, érigée au Sud du baptistère, il ne reste que peu de vestiges. Geneviève émit l’hypothèse qu’elle fut vraisemblablement détruite par le tsunami consécutif à un violent tremblement de terre qui détruisit notamment les villes de Cyrénaïque et de Crête, en l’an 365.
Plus tard, on construit une chapelle funéraire qui aurait pu servir de lieu de culte, au Nord de cette église, dans l’attente de la reconstruction de la deuxième basilichetta. Si la foi transporte des montagnes, elle n’eut aucun mal à rebâtir une église à trois nefs à l’emplacement de celle détruite précédemment, même si elle est sensiblement plus modeste et au détriment de l’emprise au sol du baptistère. La nef est désormais flanquée des deux salles traditionnelles que sont le prothesis au Nord et diaconinon au Sud. Par un étrange système de destins communicants, voilà que désormais la chapelle funéraire se ruine et disparaît.
Le baptistère s’orne désormais de huit colonnettes en marbre blanc qui supporte un baldaquin. Ainsi, vers la fin du IVème siècle les fidèles trouvent en ce lieu un ensemble cultuel sobre, rustique même, mais qui correspond et suffit amplement à la simplicité de la liturgie de l’époque.
Au milieu des bouleversements politiques consécutifs au déferlement des peuples barbares sur Rome et notamment à l’invasion Vandale, puis Byzantine et enfin Lombarde (19,dont furent retrouvées des pièces de monnaie dans le diaconicon), c’est vraisemblablement vers le VIème siècle que de modestes transformations furent opérées : reconstruction de la chapelle funéraire, destruction du baptistère primitif, aménagement d’une piscine circulaire entre les deux bâtiments.
À partir du VIIIème siècle, les Sarrasins d’Espagne et d’Afrique du Nord multiplient les attaques sur les côtes corses. Ils sont certainement à l’origine du long moment d’abandon du site et de sa destruction. Seule une petite église à nef unique, de moins bonne facture, fut rebâtie sur les ruines de Santa Maria à l’époque Carolingienne.
Ainsi s’acheva la narration de ces soubresauts architecturaux en phase avec l’intolérance des uns envers la foi des autres, éternel travers de l’Humanité !
Geneviève nous entretint quelques instants encore sur les mobiliers inventoriés sur le site : céramiques, poteries, fragments de verre, meules, croix en plomb, briquettes, dolia, fragments de marbre comportant des inscriptions, tuiles à crochet couvrant des sépultures, amphores, monnaies lombardes, autant de témoignages de vies qui s’éteignirent dans l’espoir d’une résurrection.

Bien au chaud, dans la salle des fêtes de Linguizzetta, Geneviève poursuivit son exposé rappelant que cette église piévane ne fut pas reconstruite au Moyen-âge, certainement du fait de l’ensablement du port limitrophe et de la présence sarrasine, qui avaient contraint les populations à remonter vers le piémont du Campoloro. Puis, nous apprîmes qu’à l’époque féodale, le Comte Pazzu feudataire de Bravone, se rendait en pèlerinage sur l’île de Monte Cristo et c’est justement là bas que fut retrouvé le cartulaire qui permit de situer l’endroit précis de Santa Maria de Barcaja.
Avec une patience que n’auraient pas reniées Sainte Dévote ou Sainte Restitude, Geneviève répondit aux mille question que son auditoire s’empressa de lui poser.
Ainsi, s’acheva cette immersion passionnante dans un passé que seule Geneviève pouvait nous narrer à l’aune de ses connaissances patiemment acquises durant plus d’un demi-siècle de recherches dans la poussière des parchemins lithiques de notre Histoire.

Après le déjeuner, dans un tout autre registre, nous fûmes reçus par Muriel Crestey, la responsable de Realia, entreprise locale qui a tout misé sur les cosmétiques naturels faits en Corse, à partir de plantes locales.
Cette jeune entreprise, portée sur les fonds baptismaux il y a tout juste sept ans, a choisi un profil raisonnable de croissance, ainsi ne vent-elle actuellement que sur l’île, une série de produits comme des huiles de massage, de rasage ou de bain, des crèmes de jour ou de nuit, de confort ou de détente, du sérum nutritif, tous confectionnés à partir de romarin, d’immortelle, de pin laricciu, d’olive, d’orange douce, et ce grâce à un laboratoire attenant à son atelier d’expédition et ses bureaux.
C’est dans ce lieu stérile en constante pression positive, que se combinent la chimie moderne et l’alchimie venant du fond des âges et véhiculant toute la pharmacopée que mille générations d’humains acquirent patiemment des plantes, quand il n’existait qu’elles pour se soigner et se faire du bien.
Plus d’un Ami fut conquis par le caractère authentique du contenu des superbes flacons que présenta Muriel.
Et conscients s’être fait du bien, tout au long de ce jour, autant à l’esprit qu’à leur enveloppe charnelle, les braves se séparèrent comme autant de Phénix qui renaitront en 2011 pour fêter les cinquante ans des Amis du Parc.