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Le San Petru ne protégeait plus que quelques arpents de maquis de la pluie de soleil qui inondait la vallée du Taravu en ce dernier dimanche de prairial.
A l’entame de cette sortie, les Amis du Parc se retrouvèrent dans l’exploitation de madame Virginie Vellutini, technicien supérieur en agriculture, mais également Présidente du lycée agricole de Sartène, du Groupement d’Intérêt économique du Taravu et élue à la chambre d’Agriculture.
Cette entreprise, forte d’une quarantaine d’hectares sis sur la commune de Petreto-Bicchisano et créée en 1976, a principalement axé sa production sur la confiture bio issue des fruits mêmes du domaine. La particularité de ces produits est d’être particulièrement respectueux d’un cahier des charges exigeant : aucun apport d’engrais chimique ou pesticide, récolte manuelle, cuisson artisanale tenant compte de la maturité et de la teneur en eau des fruits. Les cuissons sont dans la plupart des cas rapides de manière à préserver l'authenticité de l’arôme et de la couleur des fruits.
Notre hôtesse se plut à nous décrire l’éventail du contenu de ses vergers : figuiers, pommiers, poiriers, abricotiers, pêchers, orangers, pruniers, cognassiers, châtaigniers, noyers, framboisiers, fraisiers, myrte, cédrat, kumquat, raisins et tomates.
Virginie nous confia par ailleurs que sa confiture d'abricots, et sa confiture de figue / poire ont été récompensées par le Guide Hachette du bio.
Passant de la théorie à la pratique, elle nous invita à parcourir, en sa compagnie, quelques morceaux choisis de son domaine. Il faut imaginer un océan de verdure, parsemé d’îles de rocailles ou d’aghje, bordé d’isthmes de clôture formant autant de mers intérieures vouée à la culture d’une espèce rustique, scrupuleusement éloignée de toute atteinte chimique, au détriment d’une certaine idée du rendement mais au bénéfice de la pertinence qualitative.
La plantation de figuiers a fait la plus forte impression à l’assistance ! Il faut imaginer des allées en pente douce sur lesquelles des arbres impeccablement alignés renferment déjà autant de promesses de saveurs que de petits fruits qui ne demandent qu’à se gorger de la lumière sucrée de l’été prochain.
Un rafraîchissement puis un déjeuner pris sous la tonnelle de l’exploitation procura à la troupe le réconfort requis après la longue promenade champêtre du matin
Rendez-vous étais pris en début d’après–midi à la mairie de Petreto-Bicchisano, avec l’historien Francis Pomponi qui devait nous entretenir des feudataires d’Istria.
Le large sillon de la vallée du Taravu fut le lieu de l’exercice du pouvoir de cette très vieille famille qui serait issue du légendaire Ugo Colonna, figure emblématique de l'histoire de la Corse du VIIIè siècle qui aurait reconquis l’île sous l’emprise mauresque et fondé la dynastie des souverains et comtes de Corse.
Francis axa plus particulièrement son propos sur la période de la Renaissance, après les guerres de Sampiero. Il nous apprit, en premier lieu, que les limites des seigneuries n’étaient pas figées dans le marbre. Ainsi, même si la frontière (19,à l’époque de Rinuccio) entre celle de la Rocca et celle d’Istria se situait au col de Celaccia, il n’en a pas toujours été ainsi car à la fin du XVIIè, le siège de la juridiction de la seigneurie se trouvait à Olmeto !
A l’époque, cette seigneurie se distingue assez nettement des autres. Ainsi, les taglie (19,impôts) imposées par les seigneurs d'Istria seront plus importantes que partout ailleurs dans l'île et les officiers (19,Luogotenenti et Cancellieri), ne seront pas assujettis au contrôle des actes (19,Sindicato), au grand dam des vassaux comme des officiers génois résidents.
En fait, la seigneurie d’Istria constitue un état dans l’Etat génois, toléré il est vrai par leur allégeance déclarée.
Les seigneurs habitent presque tous Bicchisano même. Ils s’enferment dans leur maison-tour (19,dont certaines sont encore bien visibles) possédant tous les signes de notabilité : pierre d’allège, linteau sculpté, chaînage d’angle soigné, mâchicoulis, meurtrières, porte surélevée. Ils vivent de l’exploitation de leur domaine où s’affaire comme une ruche laborieuse le petit peuple des manants, dans un microcosme d’enclos, de jardins, de paillers, d’aghje, de troupeaux, de moulins, de ruches…
L’asservissement des peuples connaît tôt ou tard des limites et au début du XVIIè sonna une première révolte. Ils préfèrent, dirent-ils au Commissaire, vivre mille morts que d'«être encore sujets à ces seigneurs d'Istria» et demandent à l'officier d'accepter leur dédition à la Sérénissime. Requête non recevable, ce qui occasionna en 1611 deux séditions successives, dans la même région
Gênes se montra toujours tolérant envers les feudataires d'Istria et ferma maintes fois les yeux sur leurs « erreurs » et quelques siècles plus tard, Pascal Paoli ne s'appuya-t-il pas également, lui aussi, au cours de la guerre de Quarante ans, sur les Colonna d'Istria, comme le relate James Boswell qui rencontra U Babbu di a Patria à Sollacaro en 1764.
Sous l’ancien Régime, les Istria firent reconnaître leur noblesse par le roi Louis XVI, comme ils l’effectuèrent dans le passé, quand Vincentello obtint la confirmation de la Seigneurie par la banque de Saint-Georges.
Enfin, la Révolution Française, abolissant la noblesse, ne put totalement éradiquer ce sentiment d’appartenance à une élite dont l’histoire se confond avec celle de la Corse.
Pour terminer ce propos sur une touche d'authenticité, les Amis du Parc empruntèrent l’ancien chemin ancestral menant au pont génois d’Abra, jeté par-dessus les flots impétueux du Taravu au XVè siècle. Cet ouvrage a encore fière allure, malgré la disparition de son parapet, sachant que son arc de plein cintre surplombe le fleuve d’une bonne dizaine de mètres et a résisté aux crues historiques qui ont emporté nombre d’ouvrages plus récents.
C’est en foulant le même chemin qu’emprunta jadis un Sampiero, un Vincentello ou un Paoli que l’escouade des Amis regagna paisiblement le XXIème siècle, son confort et sa sécurité.