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Après la traditionnelle pause estivale, la première sortie de l’automne
se trouve toujours être impatiemment attendue par les membres de
l’Association des Amis du Parc, qui se retrouvèrent à plus d’une
cinquantaine à Olmi-Capella, sous l’altière silhouette du Monte
Padro, commandeur minéral du Ghjunsani à l’ombre duquel dort
tranquille la mer de verdure de la forêt de Tartaggine.
Le programme de la journée, savamment apprêté par Nanou Fratacci,
Elizabeth Pardon et Santu Massiani, animateurs tout
autant passionnants que passionnés, proposait d’entreprendre une sorte de
« granitula » dans la microrégion, procession ponctué de
quatre stations destinées à découvrir la richesse de son patrimoine culturel
et religieux.
Le fil rouge de cette déambulation au sein du Ghunsani, était pour la
circonstance tendu de clochers en clochers. C’est en effet, dans les églises
attenantes, que le trio se proposait de nous faire découvrir des chefs-d’œuvre
multiséculaires de peinture, sculpture, architecture sans compter les orgues
restaurées qui ont accompagné, à travers les âges, les offices religieux.
N’oublions pas également que chaque église possédait ses confréries au
sein desquelles œuvraient les chantres dépositaires des polyphonies sacrées.
Ces chants venus de la nuit des temps auraient pu se perdre sans le travail de mémoire
accompli depuis plus de vingt ans.
A titre d’exemple citons celui accompli à Olmi Capella où Ceccu
Saladini, dernier chantre du lieu, pu transmettre avant sa disparition le
versu anticu de la « Messe des
Vivants » de ce village, alors que quelques kilomètres plus loin,
à Pioggiola, c’est un tout autre
versu qui enrichit le répertoire
du chant traditionnel sacré : chaque communauté mettant son point
d’honneur à signer son propre versu.
Nous sommes-là, bien entendu, devant les miracles de la tradition orale …
Le périple débuta par la visite de l’église de Capella, en
cours de restauration et dotée d’un orgue superbe qui viendrait de l’église
de Pioggiola.
Ce petit orgue (19,dit « en armoire ») est resté anonyme et
date d’environ 1805. Il pourrait être attribué à Anton Pietro
Saladini dont les initiales figurent sur le tuyau central de la façade.
La famille Saladini était installée à Speloncato et fut la
seule famille d’organiers corses.
En 1882, il a connu des rajouts du facteur Antonio de Ferrari
destinés à donner plus d’ampleur au timbre de l’instrument. Elisabeth
Pardon y interpréta pour le plus grand bonheur de l’assistance des œuvres
du répertoire sacré.
Cette église construite en 1584 et vouée à Saint Nicolas ne
comporte qu’une seule chapelle latérale. On y célèbre surtout la dévotion
à Saint Roch, le 16 Août.
On peut y remarquer de beaux autels du XVII ème siècle, comme celui des
« Ames du Purgatoire » et son vis-à-vis de «Saint
Jean-Baptiste » autrefois traités en stucco lustro
- procédé qui imite pertinemment l’aspect marmoréen grâce à l’application
de plusieurs couches de poudre de marbre et chaux , et peintes
« a fresca » dont la dernière est parachevée par le
passage d’une lame chauffée qui procure un aspect satiné et doux à la
surface- malheureusement recouverts pour le moment d’un uniforme badigeon
blanc. Une bonne restauration permettra sans doute un jour de retrouver la beauté
colorée de ces œuvres.
A Vallica l’église de la Nativité de la Vierge de
style néo-baroque est plus récente et daterait de 1832. Elle est dédiée à Santa
Maria Assunta. Mais à l’origine, le premier Saint Protecteur se trouvait
être San Quilicu et était vénéré dans autre lieu très proche
aujourd’hui disparu. San Quilicu est le Saint Cyr
prié sur le continent.
On peut y noter son autel très lourd d’ornementation.
Il y a aussi un orgue qui viendrait de la chapelle du petit Saint Roch
d’Ajaccio, attribué au lombard Giuseppe Lazari, un excellent facteur
d’orgue du XVIII ème siècle. Antonio de Ferrari le transfère
à Vallica en 1885 . La chaire de 1870 a été exécutée par le sculpteur
Aloïsi de Moltifao.
Ce lieu saint contient, un chemin de croix, " A Via crucis ",
exécuté en 1757 par Giacomo Grandi, peintre milanais. Il décrit
en quatorze tableaux la Passion du Christ : ces tableaux servent la dévotion
développée pendant la Semaine Sainte par les Confréries.
Au terme de cette visite, un apéritif d’honneur offert par la municipalité
représentée par son maire Madame Antoniotti, attendait les membres de
l’association dans la salle des fêtes de la mairie. Roger Squarcioni,
le Président de l’association A musa Ghjunsaninca, dont
fait partie également Santu Massiani, nous a parlé du travail
patrimonial engagé depuis de nombreuses années déjà.
Un déjeuner sous une charmante tonnelle s’ensuivit.
Quelques kilomètres d’une route épousant les bucoliques circonvolutions de
cette superbe région amena les Amis du Parc à l’église du XIII ème siècle
réaménagée à l’époque baroque de Pioggiola. Cet édifice a
été une première fois transformé en 1560, puis une seconde fois en 1867, la
sacristie datant de 1810.
Elle est vouée à Santa Maria Assunta et à Saint Pancrace. Ce
Saint, aux pouvoirs dit-on guérisseurs en matière d’arthrose, de
rhumatismes, de lumbagos, de psoriasis, de brûlures, d’eczéma…, inspirait
une telle foi aux fidèles, qu’ils n’hésitaient pas à s’y rendre pédestrement
et même parfois pieds nus, de toute la Balagne pour demander la guérison
de leurs maux et pour trouver l’âme sœur : Saint Pancrace est un excellent
marieur !
Les peintures datent de 1860 mais la restauration actuelle se traduit par des
rajouts comme le Saint Pancrace au dessus de l’autel, exécuté par Tony
Casalonga et qui met en scène des gens du village.
On remarquera au dessus de l’autel à droite une Canturia, sorte de loge en hauteur, espace pour trois hommes seulement, qui
permettait aux chantres du village de chanter l'office au plus près
du chœur. Cette œuvre est due à Anton Giuseppe Saladini
de Speluncato, ébéniste et père du facteur d’orgue de Capella.
Tout ceci atteste que la messe polyphonique de Pioggiola existait déjà
au début du XIX ème siècle (19,date de la construction de cette tribune). Cette
messe est très différente de celle d'Olmi-Cappella, et toutes
deux désormais sont sauvées et chantées aux fêtes. A noter encore de
superbes allégories de l’espérance, de la charité, de la force d’âme, de
la prudence, de la justice et de la foi qui surplombent la nef.
Un orgue construit par Anton Pietro Saladini en 1844 et dont la tribune
est due également à Anton Giuseppe en 1814, permit à Elisabeth
Pardon de faire descendre sur l’assemblée une pluie de notes tandis que
son chant éthéré, après avoir effleuré l’assistance, traversait les
vitraux pour rejoindre l’harmonie des nues. Quant au premier orgue datant de
1808, que la tradition attribue à Anton Pietro Saladini,
comme nous l’avons dit plus haut, il enrichit désormais l’église de Capella.
Le clocher actuel date de 1801 et comporte trois cloches. Il remplace un plus
ancien qui était détaché de l’église et qui était doté de cloches venant
de Gênes. Il faut relever que ce lieu perpétue l’art de sonner les
cloches par le biais d’un concours annuel qui se déroule le dimanche précédent
le quinze août et hélas momentanément interrompu.
En s’enfonçant vers le fond de vallée, nous arrivâmes à Mausoléo,
où nous fûmes chaleureusement reçus par le maire, monsieur Fabiani-
Antonelli qui nous fit visiter l’église Saint Jean qui
devrait son nom à celui de la colline qui lui fait face.
Cette remarque vient d’un travail de recherche, réalisé par Santu
Massiani en collaboration avec le maire de Mausoleo, sur
la toponymie de sa commune et qui mérite les plus grands éloges.
L’église aurait été fondée en 1630 et recèle, entre autres, une superbe
chaire datant de 1779.
Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que ce village, selon Giovanni
della Grossa, aurait été fondé par une tribu espagnole deux siècles
avant J.C.
Ainsi s’acheva cette journée qui prit l’allure d’un chemin de foi, Les
vantaux des églises se sont à présent refermés, demeurent l’écho profond
des orgues et un sentiment de paix immense, comme un murmure subtil de cette
ambiance simple et naïve des temps anciens.