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C’est par un dimanche matin ensoleillé, dans un Niolu revêtu de ses couleurs fauves, que l’Association des Amis du Parc avait convié les amateurs d’ornithologie à se retrouver, afin d’entreprendre une large boucle empruntant le chemin de ronde de Valdu Niellu et allant jusqu’aux bergeries de Chieni qui dorment paisiblement depuis des siècles sous le Capu di u Facciatu.
Les participants n’eurent à faire que quelques hectomètres pour se retrouver dans un milieu propice à l’habitat de la sittelle, en effet de superbes chandelles de Laricio jalonnaient le sentier ondoyant dans l’immense forêt.
Rappelons que cet oiseau cavernicole endémique à l’île, dont l’espèce est protégée, niche dans les arbres morts dans lesquels elle aménage son nid et qu’elle se nourrit essentiellement des pignons qu’elle extrait des graines de ces pins.
Leur gazouillis, si caractéristique, fut vite perçu dans les ramures par l’oreille exercée de Pasquale, l’animateur de la journée. Soudain, un couple virevolta de branche en branche, véritables feux follets emplumés d’autant que Pasquale avait émis leur cri d’alerte, ce qui n’était pas de nature à calmer ces insaisissables volatiles…
Curiosité ou hasard, une vint se percher sur un arbre à quelques mètres et observa en mille contorsions acrobatiques les randonneurs ravis d’une telle aubaine.
Quoi de plus gracieux que cette minuscule créature, si gracile, si agile, si fragile ?
Après cet épisode dont tout de la monde gardera le plus attendrissant des souvenirs et cheminant sur un sentier tapissé de l’ouate rousse des feuillages défunts, l’œil ne pouvait que s’émerveiller de la pluie d’automne des ramures, qu’une brise légère par de subtiles chiquenaudes éthérées déclenchait silencieusement au dessus de nos têtes.
Et l’on aurait pu murmurer que :
Dans ce trajet si court de la branche à la terre,
Comme elles savent mettre une beauté dernière,
Et, malgré leur terreur de pourrir sur le sol,
Veulent que cette chute ait la grâce d’un vol !
Le sol était jonché de myriades de cônes de pins déchiquetés par les becs croisés, dont il faut rappeler que ces passereaux se distinguent facilement par la forme singulière de leur bec adapté à leur régime alimentaire et qui auraient fait dire au grand Darwin que la fonction crée l’organe.
Le mâle a un plumage rouge et celui de Corse est plus accentué que celui du continent. La femelle, quant à elle a le ventre vert jaune et le dos vert olive. Il faut noter également que contrairement aux sittelles, ce sont des oiseaux migrateurs, qu’ils nidifient sur des conifères et chose curieuse, le bec de leur progéniture est de forme normale, avant qu’avec l’âge les mandibules finissent par se croiser. Il se reproduisent en hiver car il y a des cônes disponibles pour leur nourriture et celle de la portée. Leur travail opiniâtre sur les pommes de pins permet à d’autres espèces de profiter de la manne qu’ils abandonnent sur le sol et qui contient encore des pignons.
Plus loin, l’ouie fine de Pasquale nous fit remarquer la présence de grive draine dont le ramage mélodieux et flûté s’écoulait des hautes futaies. C’est la plus grosse des grives européennes au dos gris fauve uniforme et à la poitrine blanchâtre clairsemée de tâches noires. C’est une nicheuse qui défend bec et griffes son territoire aussi bien contre ses congénères que ses prédateurs.
Nous n’étions pas encore au bout de ce spectacle sons et volières, le plus spectaculaire était à venir. Arrivés aux bergeries de Chieni, un immense laricio nous invita à faire une ronde autour de son respectable tronc, il fallu cinq personnes pour l’étreindre entièrement, ce qui signifie que son diamètre à la base dépasse les deux mètres et qu’il accoucha certainement de ses premiers cônes à la Renaissance !
Que de saisons ce vénérable ancêtre fut amener à franchir dans la rigueur des éléments, que de lilliputiens s’allongèrent sous son ombre vénérable, que de nues caressèrent sa haute crinière, avant que nous l’importunions de notre éphémère présence ?
C’est par le plus fortuit des hasards que l’un d’entre nous dont le regard se perdit dans le lointain, au dessus des crêtes de Piccone, entraperçu un point minuscule qui entrelaçait harmonieusement ses arabesques dans le lapis-lazuli des cieux A mesure qu’il s’avoisinait, perdant peu à peu de notre incrédulité nous dûmes convenir que c’était bien lui, le roi ailé des montagnes : le gypaète barbu !
Comme la sittelle le matin, il semblait se complaire à se faire admirer sous toutes les coutures de son plumage. Son ombre immense faisait frissonner la roche de sa sombre traînée. Profitant des courants chauds ascendants, il gravissait sans effort aucun des parois vertigineuses pour plonger sitôt après dans des abysses minéraux d’où il émergeait aisément d’un simple gauchissement de ses amples ailes.
Grâce à un monoculaire puissant il nous fut possible d’observer aisément ce rapace majestueux dont le régime alimentaire est constitué principalement de ligaments et d’os qu’il ingurgite parfois entiers. Le nombre de couples reste stationnaire en Corse à environ une dizaine ces dernières années. Il faut dire que comme chez les grands aigles, un seul poussin sera élevé au nid, ce qui limite de manière conséquente l'accroissement de l’espèce.
Il ne nous restait plus qu’à revenir aux véhicules, conscients de l’insigne privilège d’avoir pu côtoyer de si près ces mirifiques représentants de la Nature éternelle.