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En ce matin radieux du dernier dimanche de juin, les Amis du Parc formait un groupe compact et enjoué sur les quais d’un Bonifacio déjà bien fréquenté par d’innombrables touristes.
Dûment recensés par la Président qui ne tenait pas vraiment à laisser des Robinson sur l’île des Lavezzi, c’est tout de même 77 membres de l’association qui avaient fait le déplacement de la cité des falaises. Après un embarquement sous le signe de cette bonne humeur qui caractérise immanquablement les sorties de l’association, la vedette prit le cap menant à la sortie de l’étroit goulet célèbre, depuis l’Antiquité et qui fit office de havre à tant d’intrépides navigateurs. Mais une fois parvenu dans les Bouches, une mer formée obligea tous les passagers de la poupe à se réfugier dans le roof tant les embruns se montraient menaçants.
C’est toujours la même émotion que de se retrouver dans cette porte d’eau, entre ces deux grandes îles si proches et si dissemblables, de longer ces tentures de craie s’intercalant entre les bleus cousins des cieux et des eaux et que dire de celle ressentie par ceux qui se trouvaient là pour la première fois de leur vie ! En effet, peu de membres connaissaient déjà les Lavezzi, destination de cette journée, que nous atteignîmes après une traversée d’une demi-heure. Après avoir pris pied au débarcadère de la Cala di U Ghiuncu, nous prîmes le chemin menant au phare sous la conduite de Jean-Louis Pieraggi, animateur du Parc Marin International et notre guide d’un jour. Ce fanal, construit en 1887 suite au naufrage de la Sémillante, sis sur un petit oppidum de la partie sud de l’île, est un superbe belvédère ouvert sur les îles de l’archipel de la Maddalena. Entièrement automatisé, il constitue un lieu de repos, de restauration et de travail pour les scientifiques qui oeuvrent sur l’île et abrite à tour de rôle les trois équipes de surveillance totalisant vingt-six personnes, qui sillonnent les 80.000 hectares de la réserve s’étendant des Iles Cerbicale à Roccapina et faisant respecter la réglementation visant à préserver le site, notamment dans les zones de protection renforcée et de non prélèvement.
Il convient de rappeler que l’Association des Amis du Parc a œuvré en son temps pour la création de cette réserve et que celle-ci a évolué pour faire partie de nos jours du Parc Marin International.
L’administration actuelle de la partie française du projet a été confiée à un gestionnaire unique (19,l’O.E.C.) et se compose donc de la réserve naturelle des bouches de Bonifacio, à laquelle s’ajoutent la réserve naturelle des îles Cerbicale, la réserve naturelle des Tre Padule, ainsi que les acquisitions du Conservatoire du Littoral (19,2.843 ha) et du département de Corse-du-Sud attenantes. Concernant la gestion de la partie italienne du projet, une partie du territoire est gérée par le Parc National de l’archipel de La Maddalena. A terme, la logique voudrait que ces deux structures, italienne et française, fusionnent.
Les gardes doivent également informer et canaliser les 150.000 visiteurs annuels de l’île, sachant qu’au mois d’août ils constatent des pointes allant jusqu’à 4.000 personnes par jour.
Deux groupes se formèrent selon les goûts des participants : les premiers sous la conduite de Ségolène empruntèrent les sentiers avoisinants, à la découverte de la flore et de la faune insulaire (19,cf. sur notre site, la sortie Nature du même jour), tandis que les autres entreprirent une vaste déambulation sur l’île, encadrés par Jean-Louis Pieraggi qui se proposa de leur faire découvrir les lieux qui ont marqués son histoire.
Notre cheminement nous amena au premier cimetière du Furcone, situé à quelques mètres des flots léchant les rives de la Cala di U Ghiuncu. Il renferme une chapelle et les dépouilles de 350 victimes récupérées sur la grève quelques jours auprès le terrible naufrage du 15 février 1855 où 750 marins et soldats, en partance pour la Crimée, laissèrent leur vie. Au loin, on pouvait entrapercevoir la pyramide de dix mètres de haut qui fut érigée sur le rocher du Briquet où se fracassa la navire, rappelant à tous les marins de passage que la dangerosité des lieux n’a d’égal que leur sauvage beauté. Pas un seul d’entre nous qui ne fut pas ému par la triste solennité des lieux, nous continuâmes vers le centre de l’île empruntant des sentiers balisés dont le respect favorise la régénération de la flore insulaire. Au passage, nous entrevîmes une bergerie construite au XIX ème, encore fonctionnelle dans les années soixante et qui désormais fait office de remise aux agents de la Réserve. Dans un cahots rocheux, il nous fut donné de visiter les vestiges de l’ancienne chapelle Santa Maria, du XII ème siècle dont il demeure une belle partie semi troglodyte, et dont les moines auraient été chassés par les sarrasins à la fin de l’époque médiévale. Tout proche, un abri sous roche datant du Néolithique, rappelle que des échanges réguliers sévissaient entre la Sardaigne et la Corse, notamment dans le domaine de l’obsidienne, commerce facilité par un niveau des mers bien plus bas et par voie de conséquence un isthme bien moins large qu’il ne l’est aujourd’hui. Il fut bien plus tard utilisé par des anachorètes, qui furent les premiers moines ermites à séjourner sur l’île. A quelques pas de là, on peut trouver le seul puits d’eau douce de l’île et encore utilisé par la Réserve. Reprenant notre progression vers l’ouest et la Cala Lazarina, nous longeâmes l’ancienne carrière romaine qui exploitait les granites d’excellente facture de l’île. Des traces encore bien visibles des outils antiques semblaient dater d’un temps que l’immensité des siècles ramène à un simple hier. Contournant un empilement rocheux que les embruns ont façonné en bestiaire minéral, nous parvînmes au deuxième cimetière alangui au bord d‘une plage au sable d’une finesse sans pareille et ceint d’un amphithéâtre de boules granitiques, lieu de paix pour le repos éternel de ces braves. Sur le retour, nous appréciâmes la couverture nuageuse qui tempera les ardeurs du soleil en des lieux où les seules végétations n’offrent une ombre suffisante qu’aux petits rongeurs ou reptiles.
Un déjeuner, pris sur la terrasse du phare, permit à chacun de recouvrer quelques forces après cette captivante randonnée sur les sentiers des Lavezzi.
L’après-midi, notre groupe fut pris en charge par Ségolène (19,cf. sur notre site, la sortie Nature du même jour), tandis que le sien suivit Jean-Louis Pieraggi pour le même cheminement dans la circonvolution de l’île et de son passé.
Vers 16 heures, les participants revinrent à l’embarcadère où les attendait la vedette du retour. Nous eûmes droit à un détour jusqu’à l’île de Cavallo, puis nous longeâmes la côte de Piantarella jusqu’à l’anse du Fazzio avec au passage, l’incontournable visite de la grotte du Sdragonato.
De retour au port, combien d’entre nous, avions les yeux humides des embruns du large mais aussi de l’émotion et du bonheur d’avoir partagé en toute convivialité une aussi belle journée !