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En ce premier jour d’octobre, les vertes pelouses alanguies sur les falaises crayeuses de Capu Pertusato reçurent la visite d’une bonne vingtaine d’ornithologues passionnés, totalement amateurs ou bien chevronnés comme Bernard Recorbet de la D.I.R.E.N.
Le thème de la sortie consistait dans l’observation des oiseaux redescendant vers leur quartier d'hiver, empruntant le passage stratégique entre Corse et Sardaigne et en particulier les rapaces dont certaines espèces migrent au début de l’automne.
Rappelons que la Corse accueillent une grande diversité de ces oiseaux, nous citerons :
le balbuzard pêcheur, le vautour moine, le gypaète barbu, l’aigle royal, la buse variable, l’épervier d’Europe, le faucon crécelle, le faucon pèlerin pour les espèces présentes à l’année et le milan noir, le busard saint Martin, le busard cendré, le busard des roseaux, la bondrée apivore, l’autour des palombes, le faucon hobereau, le faucon émerillon, le faucon d’Éléonore pour les espèces susceptibles de migrer.
Tenter de toutes les apercevoir relève de la gageure, d’autant que la météorologie conditionne grandement les migrations, mais l’enthousiasme des participants solidement équipés de moyens optiques performants augurait d’une passionnante journée d’observation.
La petite troupe s’installa tout au bord de la falaise, au coeur des genévriers, des myrtes et des arbousiers, poste d’observation discret et odoriférant du regain arbustif consécutif aux premières pluies d’automne.
A ses pieds un vertige d’albâtre et tout en bas une eau dormante, d’un calme inhabituel pour les lieux.
Le bal fut ouvert par les pirouettes facétieuses d’un merle bleu, animal farouche et difficile à suivre tant il ne reste pas longtemps en place. Mais, non loin de là des goélands leucophée, de leur vol bien plus tranquille, nous rendaient admiratifs par l’assurance à se poser sur les anfractuosités des falaises. Quelques entrechats ailés plus tard, le premier rapace, en l’occurrence un faucon pèlerin, nous fit une démonstration éloquente du vol avec le minimum d’énergie dépensée en décrivant de larges cercles en quête de nourriture, suspendu avec grâce à sa voilure hiératique.
Puis ce fut un roulé-boulé chantant de fauvettes, d’hirondelles des rochers et de martinets pâles et noirs qui détalaient en mille entrelacs fugaces, tandis que plus apathique, la mouette mélanocéphale tentait d’imposer en vain son appel plaintif.
Plus tard, un faucon crécelle plana débonnaire sur la lande bonifacienne, à la grande frayeur d’un groupe de traquets motteux qui cherchaient refuge dans les fourrés.
Les mouettes rieuses et les grands corbeaux donnaient aux falaises un air d’échiquier par l’alternance de neige et d’ébène, posés régulièrement sur la surface crayeuse.
Les roucoulements de pigeons bisets déclanchaient au passage une pluie sonore et apaisante sur les observateurs.
Des corneilles mantelées semblaient faire un défilé de haute couture, arborant avec fierté leur plumage bicolore.
Soudain un faucon pèlerin lança son cri strident qui glaça d’effroi la campagne environnante.
Ce fut le prélude à une parade comme concertée de nombreux rapaces. En effet, éperviers, faucons hobereaux, buses et bondrées apivores se succédèrent dans l’azur et quel enchantement d’en percevoir les subtilités annoncées par Bernard Recorbet, notre professeur du jour !
Une pause déjeuner permit à l’assistance de reprendre quelques forces et de soulager des nuques endolories par tant de contemplations zénithales.
Parfaitement requinqués, nous partîmes ensuite vers l’étang qui borde la superbe plage de la baie de Santa Giulia. Cette zone humide, propriété du Conservatoire du littoral, abrite de nombreux oiseaux d’eau.
Il nous fut loisible d’observer notamment les silhouettes élancées et élégantes de l’aigrette garzette dont les crosses étaient autrefois très convoitées par les élégantes, pour leur valeur ornementale. A ne pas confondre avec les grandes aigrettes, également présentes et dont l’envergure peut atteindre un mètre cinquante.
De leurs pas de sénateur, de superbes hérons cendrés cheminaient prêts à asséner un puissant coup de bec à la moindre proie, tandis que d’autres congénères en position d’unijambiste semblaient sommeiller, leur cou totalement recroquevillé dans leurs épaules.
Des grèbes castagneux naviguaient en formation serrée parmi une escadre de canards à l’ancre et endormis au bord d’une roselière.
Là aussi, des corneilles mantelées exécutaient des galipettes éthérées au dessus du miroir liquide de l’étang abrité des risées du large.
Le clou de l’après-midi vint d’un balbuzard qui s’évertuait à pêcher sa pâture, mais les multiples essais que nous entraperçûmes se soldèrent par autant d’échecs. Le superbe oiseau avait beau changer d’endroit, diversifier sa manière de fondre sur la surface, … ses serres ne se refermaient que sur elles-mêmes. Mauvaise manière de s’y prendre, rareté ou vivacité des proies, toujours est-il que le rapace s’épuisait vainement !
La dernière étape de la journée se déroula dans les salines de Porto-Vecchio dont la première exploitation remonte à la Révolution Française.
Cette exploitation, maintenant abandonnée, de trente-huit hectares, constitue un paradis pour les oiseaux d’eaux.
En plus des espèces déjà rencontrées depuis le matin, nous vîmes des chevaliers guignettes trottiner sur l’eau comme sur la terre ferme, tant la légèreté et la fulgurance de l’animal semblaient l’affranchir de toute pesanteur.
Pour clore ce festival aviaire, tout haut perché et attentif au moindre indice, un martin pêcheur s’apprêtait à plonger comme un carreau d’arbalète.
La rétine encore incrustée par tant de palettes plumées, les tympans vibrant toujours des nuances sifflées, nous nous séparâmes à regret et comme à chaque fois, tous partants pour revivre une pareille sortie.