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C’est toujours un bonheur réitéré que de se retrouver après la parenthèse estivale et de reprendre le rythme mensuel des sorties entre membres de cette grande famille que constitue l’association des Amis du Parc.
Un soleil radieux sourit à la cinquantaine de personnes qui s’étaient rassemblées à Ventiseri, départ de notre périple au travers de la microrégion arrosée par le Travo, fleuve qui parcourt sur une trentaine de kilomètres les communes de Zicavo à Ventiseri en passant par Cozzano, Chisà et Solaro.
Damien Levadoux (19,chargé d’étude auprès de l’association) et Guy Fererri (19,Maire de Chisà et agent du Parc Naturel Régional) furent les intervenants du jour, le premier pour nous entretenir à propos du travail qu’il mène actuellement sur le suivi des tortues Cistude d’Europe dans les étangs de Palo et de Gradugine, le second sur la conduite de gestion du fleuve, désormais menacé par une sur-fréquentation touristique.
La première halte fut opérée sur la route menant à Pedi Quarciu, non loin du château de Coasina et incomparable belvédère sur les océans de verdures du Fium’orbu.
Damien nous y décrivit le programme de recherche (19,Interreg III en collaboration avec l’Italie) qu’il conduit pour l’association, sur le site des étangs voisins de Palo (19,110 ha) et Gradugine (19,10 ha), terrains acquis par le Conservatoire du Littoral.
Ces étangs se sont formés lors de la fonte des derniers glaciers qui ont charrié nombre d’alluvions, créant plaines et cuvettes. De nos jours, six cours d’eau mineurs se jettent dans Palo qui ne présente qu’un à deux mètres de profondeur, tandis que l’Abatesco et le Fium’Orbu débouchent dans celui de Gradugine dont le tirant d’eau avoisine quatre mètres.
Ces étangs, exploités depuis l’antiquité, furent utilisés par les romains pour leur potentiel piscicole. Les invasions barbares mettent un terme à cette activité qui ne refleurira que bien plus tard sous le joug génois, où Palo assure la fonction d’un havre dans le commerce maritime avec l’Italie voisine avant de redevenir une zone de pêche où pullulent mulets et anguilles.
La vie grouille au sein des roselières, batraciens et reptiles constituent la faune rampante de ce milieu humide, on y trouve notamment des discoglosses et reinettes sardes, des crapauds verts, des grenouilles vertes, des lézards, les deux couleuvres de Corse, des tortues d’Hermann et bien entendus des Cistudes.
Le chargé d’étude des Amis du Parc nous expliqua qu’il avait disposé des filets dans les six cours d’eau versant dans Palo ainsi que dans l’Abatesco ce qui avait conduit à la capture de deux cents tortues Cistude !
Il en ressort que l’étang de Palo, par sa taille, son accessibilité et le caractère saumâtre de ses eaux (19,30 à 50% de salinité) est beaucoup mois favorable à la Cistude que celui de Gradugine (19,10% de salinité). Au mois de juin de cette année, un grand nombre de sites de pontes on pu être inventoriés et certains protégés par des grilles contre les prédateurs coutumiers que sont les renards, les couleuvres, les corvidés et même les hérons. La localisation de ces nids avait été facilitée par la pose d’émetteur sur le dos des femelles qui pouvait être suivies par un système de radio pistage pour lequel la fréquence de chaque cible est unique et qui porte tout de même à plusieurs kilomètres.
Une simulation de ce radio pistage fut effectuée devant les participants attentifs et amusés par l’exercice. Ces émetteurs sont, soit fixés à l’aide de vis inoffensives pour l’animal, soit tout simplement collés. Ils sont ôtés de la tortue, une fois son site de ponte repéré. Ainsi, on a pu localiser 43 sites, suivis de début juin (19,période de ponte) à début septembre (19,éclosion des œufs) et donc observer et « aider » la naissance de six tortues de la taille d’une pièces de deux euros et de quelques grammes. Celles-ci se dirigèrent de manière innée vers le milieu aquatique nourricier dans lequel elles devront se forger une carapace selon la formule consacrée et qu’elles ne quitteront plus que pour pondre à leur tour, reproduisant le cycle perpétuel de la vie.
Après une collation prise près de la fontaine de Ventiseri, surplombant la vallée du Travo dont les méandres se perdent tout au loin sous la chaîne imposante qui verrouille la Corse de l’Incudine au Col de Verde, Guy Ferreri nous servit de guide pour la visite de sa commune et de la vallée qui y conduit.
Il est remarquable de noter que ce cours d’eau ne connaît quasiment aucun rejet humain sur tout son cours et mérite ainsi une protection particulière.
Le premier magistrat nous rappela qu’un projet de qualification en « rivière du patrimoine » est en cours d’élaboration avec le Parc Naturel Régional de Corse. En attendant cette classification, un arrêté municipal réglemente depuis l’année 2000 la fréquentation des rives du Travo sur la commune de Chisà.
Cette arrêté rappelle que, vu la fragilité du milieu, vu la fréquentation halieutique considérable (19,20.000 personnes /été), vu les risques soudains de crues, les pratiques de la baignade, du canyoning et du canoë-kayak sont strictement réglementées
Une courte randonnée par un chemin abrupte conduisit les volontaires au bord de ce fleuve d’exception. Les récentes pluies grossissaient déjà un cours impétueux qui caressait les roches de sa puissante poigne liquide et il n’eut pas été indiqué de choir dans le courant qui dégringolait de vasque en vasque avec un grondement courroucé de tonnerre.
Après cette rafraîchissante balade, nous nous dirigeâmes vers Chisà où le Maire nous reçu en la salle des fêtes. Celle-ci fut construite en grande partie par les habitants eux-mêmes, perpétuant l’antique tradition de l’operata, système d’entraide où tout un village participait à une œuvre collective, au fur et à mesure des besoins des uns et des autres.
Le Maire rappela que sa commune fut la dernière crée en Corse par une scission de celle de Ventiseri, juste après la seconde guerre mondiale. Sa population oscille entre 100 habitants l’hiver et 500 l’été. Ce constat ressemble à celui de beaucoup de communes de l’intérieur : les activités agricoles ont disparu et les activités de Chisà se sont reconverties vers le tourisme.
Il faut dire que cette localité se situe au départ de nombre de sentiers qui arpentent le haut-Fiumorbu ou qui conduisent à la montagne vers le Gr20 ; et les gîtes d’étape apportent une manne non négligeable à l’économie locale.
Autre attrait pour les visiteurs : la superbe via ferrata de la punta di U Calanconu, aménagée en 1999 sur une idée de Guy Ferreri et de Jean-Paul Quilici, qui voit passer quatre mille courageux sportifs par an contre ses parois vertigineuses et qui est classée parmi les vingt plus belles de France.
Les idées ne manquent pas à Chisà et après avoir restauré un four et un moulin, la commune envisage désormais de créer un sentier à thème qui plongerait le visiteur dans la vie rurale d’autrefois où le pain ne devait son existence qu’au bon vouloir et au savoir-faire des habitants.
Une projection d’un film sur la via ferrata conclut la superbe journée passée dans la vallée préservée de ce fleuve d’exception.