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C’est sur le site de la presqu’île de Fautéa où s’est assise une tour génoise tout juste un siècle après la découverte des Amériques, que les Amis du Parc, en collaboration avec le Parc Naturel Régional Corse, avait convié les curieux de botanique pour une ballade sur les chemins de la péninsule à la découverte des espèces végétales qui la tapissent.
Geneviève Ettori, la directrice de l’Association et Jérôme Franchi du Parc Naturel Régional animaient cette journée et attendaient les amateurs de botanique à l’orée du chemin rocailleux, porte d’entrée d'un véritable royaume de senteurs.
Mille fragrances virevoltaient dans l’air déjà embrasé en ce matin de juin, antichambre éphémère de l’été qui s’avoisine. Déjà, depuis quelques mois, nombre de végétaux fleurissaient et préparaient patiemment la mosaïque lumineuse qui s’offrait à nous : bouquets d’asphodèles, genêts corses, genévriers, euphorbes arborescentes, lavandes, cistes, lentisques, arbousiers, myrte, bruyères arborées, chèvrefeuilles, salsepareilles, clématites, rivalisaient de parfums et de couleurs pour enivrer les promeneurs.
Bien que pour la plupart familiarisés avec ces essences, bien des participants n’en possédaient qu’imparfaitement les noms et encore moins les caractéristiques. Il faut dire que même si le règne végétal est moins diversifié que le règne animal, il compte tout plus de 400.000 espèces regroupées en taxons de différents ordres qui se répartissent en :
Embranchement, Classe, Ordre, Famille, Genre, Espèce
C’est dire l’extrême complexité de cette science et l’inventivité de ceux qui la classifièrent.
Les participants apprirent notamment que les végétaux sont des êtres pluricellulaires à la base de la chaîne alimentaire, qu’ils produisent leur propre matière organique à partir de sels minéraux puisés dans le sol et de dioxyde de carbone assimilé par les feuilles grâce à l'énergie solaire, que les végétaux sont des organismes fixés au sol par leurs racines, ce qui les rend très dépendants des conditions de leur environnement, que les plantes ont besoin de différents éléments rassemblés pour survivre et pousser. Le premier est la lumière, utile pour le processus de photosynthèse, qui apporte de l'énergie. Ensuite viennent l'eau et la terre d'où sont tirés les nutriments, et l'air dont elles extraient le dioxyde de carbone, permettant également la photosynthèse.
Avec de si bons professeurs, que d’émotions, quand nous distinguions parfois, un insecte ivre de pollen trébuchant sur une souche d’étamine avant que de décoller dans un sillage safran.
Bien qu’étrangères à ce milieu, des griffes de sorcière et des agaves représentaient un bon exemple de végétaux introduits par l’homme et qui ont tendance à se naturaliser dans l’étage thermoméditerranéen. Geneviève rappela l’action récurrente de l’association pour l’éradication de ces plantes envahissantes et non endémiques.
Plus loin, lavandes, aconits, aux, asparagus, cristes marines, férules, lauriers, lilas de mer, lis maritimes, phagnalons des rochers, rues et silènes de Corse, sauges arborescentes, tamaris, jusquiames régalaient l’œil curieux des participants, rendu plus attentifs par les propos de Geneviève et Jérôme. En baissant les yeux, au milieu de ce tapis chamarré et odoriférant, un peuple affairé d’insectes rampants accomplissait opiniâtrement les travaux nécessaires à leur survie dans ce microcosme végétal, tandis que ça et là, lézards et couleuvres sortaient de leur léthargie hivernale dans une relaxation insouciante sous l’exhalaison solaire.
Les intervenants initièrent les curieux au monde en miniature de la fleur. Dans une plongée au cœur des étamines, sépales, pistil, pétales, que de nuances, de subtilités de formes, de couleurs, que d’ingéniosité pour favoriser la fécondation en attirant les insectes par milles artifices chromatiques… Désormais, les notions de fleurs simples ou fleurs composées, monocotylédones ou dicotylédones, la pollinisation, la nyctinastie, l'héliotropisme sont devenues plus familières à ceux qui prient la peine de s’immerger dans ces univers en miniature qu’ils ignoraient totalement et pourtant si proches d'eux-mêmes.
A l’aide d’ouvrages de botanique, nous entreprîmes d’ordonner quelques végétaux dans le labyrinthe incommensurable du classement qui descend de l’embranchement jusqu’à l’espèce, tâche qui donne le même vertige que de compter les grains de sable de la plage avoisinante ou les tiges de fleurs de la presqu’île que le mistral alignait sans ménagement de son démêloir éthéré.
Après avoir si bien étudié, Geneviève et Jérôme proposèrent aux participants une récompense sous la forme d’une visite surprise de la tour génoise. Nous eûmes des détails afférents à sa construction, ses caractéristiques, son armement et pûmes admirer la remarquable restauration menée entre 1979 et 1989 et qui donne au visiteur une idée fidèle de ce qu’étaient dans leur splendeur ces bâtisses de guet qui ourlent le littoral insulaire.
Construite en un an à compter de mai 1592, La tour de Fautea dépendait de la juridiction de Bonifacio. Durant l’administration de Gio Bernardo Veneroso gouverneur, elle fut attaquée par des turcs en 1651. Les assaillants la brûlèrent et volèrent le bétail en même temps que celles de Isola di Corsi (19,Pinarello), San Cipriano, Benedetto, Sponsaglia et Sant’Amanza.
Désormais sise sur un terrain appartenant au Conservatoire du littoral et des ouvrages lacustres, elle ne redoute plus rien ni des hommes, ni des éléments.
Au terme de cette journée, la Corse compte quelques connaisseurs de plus de sa flore, qu’ils entendent bien à leur tour faire connaître et protéger dans sa biodiversité.