Découvrez
également...
Le programme de cette sortie Nature se déclinait selon le même parcours que l’an dernier. A savoir, que le point de rendez-vous était encore fixé au sémaphore de Pertusato pour entreprendre une observation du haut des falaises en empruntant la sente qui s’échoue au phare du même nom, vigie la plus méridionale de la métropole, amer connu de ces promeneurs infatigables de l’éther que nous devions rencontrer en ce jour orageux d’automne.
Bernard Recorbet assisté de Gilles Bonaccorsi et Gilles Faggio de l’Association des Amis du Parc constituait le trio omniscient des intervenants du jour et accueillirent la quinzaine de personnes qui bravèrent le pessimisme coutumier des météorologues..
Chose incroyable c’est encore un monticole bleu qui, comme l’an dernier, ouvrit le bal aviaire de la journée. Bien campé sur ses pattes graciles, il semblait méditer sur une flèche calcaire au dessus d’un abîme azuréen, semblant chercher son meilleur profil à nous présenter, qu’il variait au gré de ses innombrables postures, certainement plus soucieux d’un hypothétique lézard que de la pérennisation de son image au sein des objectifs qui se focalisaient sur sa farouche silhouette.
De la Sardaigne, le grondement sourd de l’orage nous parvenait comme amplifié par la caisse de résonance du détroit.
Au cœur de ces grondements, des hirondelles de rochers s’affolaient en des entrelacements complexes de trajectoires pour lesquelles seule une maîtrise sans faille du vol, permet d’éviter des télescopages intempestifs.
Tout en cheminant, d’aucuns s’évertuait à retrouver les fragrances oubliées des essences, qui s’épanouirent durant la nuit des larmes bienfaisantes des premières pluies
Aussi fugaces que les éclairs lointains, des bergeronnettes grises zébraient pareillement les fourrés de leurs chaotiques trajectoires, rendant leur contemplation un exercice particulièrement malaisé et seul l’œil exercé des encadrants nous permit de mettre un nom sur ces fulgurances plumées.
Ce serpent humain gesticulant et bruyant dut intriguer au plus haut point ce faucon hobereau qui après quelques œillades curieuses préféra néanmoins la quiétude des landes avoisinantes et la perspective de petits gibiers que notre présence rendait plus qu’hypothétique.
Il existe, tout juste après le phare de Pertusato, une corniche crayeuse qui domine le singulier îlot de Saint Antoine, dont la silhouette rappelle celle d’un navire qui voudrait s’échouer sur l’extrême pointe de la Corse. De cet oppidum, le spectacle du détroit relevait de la fantasmagorie : Au nadir de la Sardaigne, d’immenses cumulus, choyaient des trombes d’eau en drapés blafards que la foudre cisaillait au hasard des gigantesques arcs qu’elle dessinait dans l’aquarelle du détroit. Puis, comme retardé par on ne sait quelle embûche, nous parvenait décalé le grondement de cette décharge cyclopéenne.
Un vent d’ouest peignait la chevelure de la Méditerranée qui se démêlait dans le Tyrrhénienne et portait au grand largue une escadre bigarrée de dériveurs ivres d’embruns.
Comme statufié par le sel, un balbuzard, perché sur la croix sise au sommet de Saint Antoine, semblait être indifférent à ce déchaînement des éléments. Ce n’est qu’au bout d’un long moment qu’il daigna s’alanguir sur le vent portant et s’éloigner
Comme à l’accoutumée des goélands leucophée erraient entre ciel et eau, étonnants de facilité et d’efficacité dans leur vol planant et débonnaire. Leur cri nasillard semblait narguer les cormorans huppés qui rasaient la surface à grande débauche d’énergie où chaque battement semble rattraper une chute imminente.
Un grain, nous fit reprendre le chemin du camp de base, mais le danger passa au dessus de nos têtes comme un jeune météore en retard sur son orbite.
A l’approche du sémaphore, un couple de grand corbeau fondit du zénith à la recherche d’on ne sait quoi. Ce passereau, plus grand qu’une buse vit en couple que l’on dit uni pour la vie, bel exemple de fidélité chez un animal que l’on n’apprécie guère sachant que ses moeurs le classent dans le camp peu affriolant des charognards.
Un déjeuner en commun, sous une nappe de ciel bleu que les éléments avaient dressée au dessus de nos têtes, nous permit de reprendre quelques forces, épiés par un faucon crécerelle qui lorgnait notre alléchante pitance.
Quelques gâteaux plus tard et comme l’an dernier direction l’étang de Santa Giulia, (19,parallèle à la superbe plage désormais désertée par d’autres migrateurs davantage à poils qu’à plumes) et géré par le Conservatoire du Littoral.
Une accalmie dans les cieux nous permit d’entrapercevoir les robustes silhouettes des hérons cendrés à l’affût, armés de patience et d’un bec en forme de poignard, ils peuvent rester totalement immobiles le temps qu’il faudra pour s’emparer de la proie qui s’avoisinerait dans les eaux peu profondes de la lagune.
Des aigrettes garzette reprenaient des forces avant que d’enjamber la grande Bleue et n’hésitaient pas à se mêler à des grands cormorans qui séchaient leurs ailes sur des boules granitiques polies comme de gigantesque œufs qu’un oiseau cyclopéen aurait pondu ça et là dans le marécage.
Totalement affairée à la poursuite d’un épervier, une nuée de corneilles l’agaçait sans répit afin qu’il lâche sa capture, nul ne put savoir si patience et persévérance eurent raison de l’instinct de propriété du pauvre rapace.
Bien plus débonnaire, une flottille de colverts entamait une tranquille régate dominicale ponctuée de coins coins prioritaires qui semblaient s’adresser à l’escadre des grèbes castagneux qui cabotait non loin de leur nid dans la roselière.
Des grandes aigrettes semblaient toiser des hérons indifférents du haut de leur cou interminablement gracile, tandis que des martins-pêcheurs à l’affût sur des roseaux penchants se berçaient imperturbablement, l’œil mi-clos, au gré des risées.
S’il fallait une preuve du côté particulièrement poissonneux de l’étang, nous l’eûmes au spectacle de grands cormorans qui se délectaient d’anguilles, qu’ils s’évertuaient d’étourdir à grands renforts de contorsions de bec avant que d’entreprendre leur longue ingurgitation.
Le soleil voilé apportait des reflets pastel au miroir liquide, donnant des relents oniriques à cette faune entraperçue.
Dernière étape de la journée : les marais salants, endormis dans leur saumure au fond du golfe de Porto-Vecchio.
Ce milieu, limitrophe à une immense zone humide, recèle une faune ailée remarquablement diversifiée.
Une escouade de mouettes rieuses nous accueillit de leur cri éraillé qui se mêlant au chuintement de l’ondée sur les carreaux des salines offrait une harmonie que seule dame Nature peut composer.
Un kaléidoscope aviaire embrassant terre, ciel et eau exhibait une infinité de scénettes attendrissantes que tout notre après-midi n’eut pas suffit à appréhender. Goélands, martins-pêcheurs, faucons crécerelle, hérons cendrés, chevaliers guignette, chevaliers aboyeur, aigrettes, corneilles mantelées, grèbes castagneux, chacun pour ce qui les concernait, près de leur nid, dans la pureté d’un plané, dans la concentration d’un affût, dans l’espièglerie d’une baignade, dans l’apprentissage d’une partie de pêche, dans le port gracieux d’une tête, dans la parabole d’un atterrissage, dans la pudeur d’un baiser de bec, dans l’arabesque d’un replié d’ailes, dans la légèreté d’un chant qui errait incertain sur la roselière, tout constituait autant de micro-univers tendres et dignes du même respect que l’on aurait dû porter aux « bons sauvages » du Nouveau Monde.
Pour un havre de paix encore préservé, combien de Paradis disparaissent ? C’est sur ce constat menaçant, qu’en fin d’après-midi, les participants s’égayèrent vers leur nid.