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Un temps beau à n’y pas croire souriait aux amateurs de botanique qui s’étaient donnés rendez-vous dans la Boziu pour une sortie à la découverte du monde étrange des lichens, végétaux restés longtemps méconnus.
C’est en partant de Favalello et en empruntant un bucolique sentier qui serpente la région dans sa verdure automnale que notre guide Florence Delay, nous convia pour un insolite voyage au cœur de ces organismes que tout le monde côtoie sans forcément les reconnaître si ce n’est dans les formes les plus communes qui décorent nos vieux chênes dans d’humides futaies.
Il faut savoir que les lichens sont le résultat d'une symbiose entre un champignon et une algue verte. Cette association est :
* durable
* reproductible (19,donne naissance à de nouveaux individus, à la formation d'une nouvelle unité fonctionnelle) C'est une association à bénéfices réciproques pour les partenaires qui entraîne des modifications morphologiques et physiologiques (19,ces dernières liées à des interactions génétiques entre les deux partenaires). Le champignon fournit le support, les sels minéraux et la réserve d'humidité; l'algue fournit les nutriments issus de la synthèse chlorophyllienne.
On estime le nombre de lichens à 17 000 espèces environ, c’est dire que nous n’en vîmes qu’une infime partie ce jour là. Il en existe cinq grandes catégories
* les lichens gélatineux : que l’on trouve en amas, gluant à l’état humide.
* les lichens crustacés : bien connus des randonneurs par les incrustations de différentes couleurs qu’ils occasionnent aux roches, sur lesquelles les thalles (19,appareil végétatif ne possédant ni feuilles, ni tiges, ni racines) sont inclus dans le substrat. Cf. photo ci-dessous.
* les lichens foliacés : dont les thalles sont formés de lobes étalés avec une face inférieure distincte, plus ou moins appliqués au substrat et facilement détachables.
* les lichens fruticuleux : dont les thalles se développent en longueur à partir d’un seul point de fixation et que l’on rencontre fréquemment sur des arbres en grappes pendantes. A noter qu’ils ne nuisent en rien au végétal qui leur sert de substrat, vu qu’ils ne développent aucune racine.
* les lichens pseudofruticuleux : dont les thalles sont constitués de deux parties bien distinctes.
Chemin faisant, Florence s’évertuait à nous montrer des exemples de chaque catégories et nous fûmes surpris par la diversité extrême que peuvent prendre ces organismes. Notre ravissement était d’autant plus grand que nous comprenions combien nous avions, dans notre vie, entraperçu ces miracles de la nature sans en remarquer la présence.
Les lichens sont très résistants et même s’ils apprécient les milieux ombragés donc humides ils peuvent rester sans eau durant un an. Pour se reproduire, le lichen procède selon deux principes :
* par le biais de l’apothécie (19,structure de coupe arrondie qui contient des spores nécessaires à la reproduction sexuée) qui explique l’apparition du lichen sur un substrat « sain »,
* par la biais de la soralie (19,amas granuleux, permettant la reproduction végétative en disséminant ensemble les deux partenaires de la symbiose).
Ils peuplent la terre, même dans les régions les plus hostiles depuis bien avant notre propre venue, le plus vieux fossile de lichen date du dévonien (19,-400 millions d'années) et peuvent également survivre à des variations de température importantes pouvant aller de -70 à +70 °C.
Cette belle symbiose se révèle notamment dans les échanges nutritionnels : le champignon recevant des nutriments issus de la photosynthèse de l’algue et l’algue acquérant un certain nombre de composés minéraux provenant du champignon.
Beaucoup d'espèces sont pionnières, capables de coloniser des milieux extrêmes et ont des croissances très lentes de l'ordre de quelques millimètres par an. Les lichens vivent très longtemps. Cette caractéristique permet notamment de dater leur support par le rapport taille et vitesse de croissance.
Florence nous fit remarquer que les lichens renferment une substance appelée lichénine à laquelle on a reconnu des propriétés nutritives et médicamenteuses. Ainsi, ils constituent l’alimentation des rennes, des caribous, des chèvres qui leur doivent leur survie, durant les longs mois d'hiver. En Asie, Lecanora esculenta ou « Manne du désert » est couramment consommée par les paysans comme par les animaux, enfin quelques espèces sont utilisées comme émulsifiant et épaississant dans l'industrie agroalimentaire.
Par ailleurs, nous apprîmes que la recherche médicale moderne nourrit des espoirs thérapeutiques dans leur utilisation.
Les sentiers nous offrirent au-delà d’un immense laboratoire où une multitude d’échantillons s’offraient à nos regards lors de chaque pas, de superbes paysages sur les villages ancrés comme des lichens de pierres sur les roches du Boziu.
Infiniment grand, infiniment petit, tout est affaire d’échelle ! C’est ce que nous comprîmes à l’observation des univers inclus dans quelques décimètres carrés de pierre ou de bois et qui contiennent une logique de vie, d’instinct de conservation et de perpétuation de l’espèce qui survivra sans nul doute à la notre.
De retour dans le monde des villes, nous savons désormais que les lichens sont partout chez eux, nous qui, comme Monsieur Jourdain, les côtoyions depuis longtemps sans le savoir