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On ne s’attardera plus sur la présentation de l’étang de Biguglia qui a été faite déjà dans de nombreuses autres sorties des Amis du Parc.
Il est tout de même important de rappeler que cette zone humide d’une superficie d’environ 1.500 ha (19,11 km de longueur et 2,5 km de largeur) est la plus vaste de Corse. C'est une lagune de faible profondeur d'eau (19,1 m en moyenne), très confinée et reliée à la mer par un étroit chenal, elle est occupée par la réserve naturelle, crée en 1994 et qui s'étend sur les quatre communes de Furiani, Biguglia, Borgo et Luciana
On pourrait comparer la réserve à un gigantesque rein de l’agglomération bastiaise. En effet ce filtre naturel est le collecteur de six rivières, San Pancrazio, San Lorenzo, Pietre Turchine, Rasignani, Mormorana et surtout Bevinco. Cours d’eaux qui lui apportent en même temps que l’eau douce, les déchets organiques agricoles ou industriels issus de l’activité humaine. Inlassablement, la roselière où s’activent des milliards de bactéries, le miroir de l’eau que pénètrent les rais bénéfiques des U.V. emprisonnent les déchets lourds dans la masse sédimentaire. Ce cercle vertueux a bien entendu des limites que les agents de la Réserve s’efforcent de ne pas infliger à l’écosystème, par des analyses biologiques constantes.
Sur le plan environnemental, la réserve naturelle, inscrite sur la liste des zones humides d'importance internationale au titre de la Convention de Ramsar, ainsi qu'à l'inventaire des zones de protection spéciale afférent à la Directive européenne relative à la conservation des oiseaux sauvages, est ceinte d’un sentier pédestre offrant au promeneur une immersion sereine dans une roselière ou règne un onirisme certain de plumes, de poils, d’écailles et d’eau.
L’édition 2008 de la Journée mondiale des zones humides, célébrée chaque année le 2 février pour commémorer la signature de la Convention de Ramsar (19,1971), est placée, cette année, sous le thème de la santé et a pour objectif premier de sensibiliser le grand public à la protection de ces écosystèmes, si riches et si fragiles.
Un premier constat alarmant nous montre qu’en seulement un siècle, la France a perdu les deux tiers de ses zones humides et pire depuis une décennie, leur destruction va en s’accélérant. Aujourd’hui, elles ne couvrent plus que plus de 3 % de notre territoire. Ces écosystèmes sont pourtant vitaux pour la biodiversité et l’homme.
En France, environ 50% des espèces d'oiseaux dépendent des zones humides, qui abritent également 30% des espèces végétales remarquables et menacées, et 2/3 des poissons consommés. La question de savoir si l’on doit les sauvegarder dans un environnement où la pression immobilière se révèle toujours plus forte appelle une réponse évidente quand on sait que les maladies liées à une mauvaise gestion des zones humides (19,paludisme, affections diarrhéiques, bilharziose, encéphalite japonaise, filariose, onchocercose…) sont responsables de la mort de plus de trois millions de personnes par an dans le monde.
C’est par ce rappel sur le côté vital d’un tel milieu que Christian Mikdjian et Arnaud Lebret, respectivement animateurs de la Réserve et de l’Association des Amis du Parc, nous accueillirent au bord de la lagune toujours ensommeillée sur son oreiller de vase.
Ils nous rappelèrent toute l’évolution du site sur lequel la route de ceinture et l’urbanisation faillirent porter le coup de grâce, notamment par la fermeture de graus qui modifièrent radicalement l’équilibre millénaire entre les flux et reflux qui participent tout à la fois à la salinité et au niveau d'équilibre de l’eau.
Tout aussi intéressés que les participants à la journée, des goélands leucophée, juchés sur des pieux avoisinants, semblaient écouter en opinant du bec les propos des intervenants. Un cousin d’Audouin , quant à lui se préoccupait de sa toilette matinale avant que d’aller prendre son petit déjeuner.
Cet invitation aviaire fut le signal à une observation tout azimut de l’immensité sereine de ce miroir emplumé, grâce à des longues vues à suffisance, mises à disposition des participants, permettant une observation dans des conditions exceptionnelles
Un colonie de plusieurs centaines de flamands roses fut aperçue dans la partie opposée à notre rive, tantôt au repos, la tête abandonnée sous leur aile, tantôt cheminant de leur pas de sénateur en jacassant des propos amoureux que le proche printemps rendait désormais de circonstance.
Le ton était donné à notre balade sur les berges aménagées de Biguglia en effeuillant les pages d’un abécédaire d’ornithologie que Christian et Arnaud tournaient au détour d’un tamaris ou d’un aulne glutineux :
* A la lettre A, des aigrettes garzette en plumage d’hiver émergeaient lentement de leur rêves d’éther et d’eau, alors que les grandes aigrettes agitaient la surface de leur pattes graciles comme pour touiller leur café du matin ;
* A la lettre B, nous lûmes des bécassines des marais sondant la vase de leur long bec flexible, tandis que des bruants des roseaux perchés sur des cannes de Provence nous présentaient leurs respects en émettant généreusement leur cri caractéristique fait de la répétition d'une note aiguë, longue et douce. Au zénith, des busards des roseaux planaient circonspects dans le choix du premier casse-croûte du jour, ce qui ne semblait pas inquiéter particulièrement des bécasses qui préfèrent leur fréquentation à celle des chasseurs dotés du bâton de feu ;
* A la lettre C, nous vîmes un grand cormoran, en faction sur un pieu, ébrouer ses ailes pour nous saluer respectueusement, des canards pilet cancaner pour nous soumettre une querelle de voisinage, tandis que des colverts barbotaient dans un garde-manger vaseux, que venaient de quitter des souchets repus d’annélides :
* A la lettre G, une flottille de grèbes à cou noir remontait au près serré vers un havre de roselière, tandis que leurs cousins huppés paradaient en émettant un fort croassement trompetant et ronflant qui ne perturbait en rien le vol débonnaire de goélands leucophée
* A la lettre F, les flamands roses entraperçus plus tôt, rasaient la surface marmoréenne de la lagune en une file interminable et personne ne voulut perdre une miette de la comète rose en conjonction avec la galaxie lagunaire. Des foulques macroule, quant à eux, organisaient un concert dominical dans un théâtre de joncs au grand dam de fuligules milouin qui bouchaient leurs oreilles d’un gracieux revers d’ailes ;
* A la lettre H, un héron cendré, affublé d’un hoquet tenace, nous toisa d’un œil glauque, seul effort dont il fut capable encore près la gargantuesque orgie d’amphibiens ingurgitée au breakfast ;
* A la lettre M, nous déchiffrâmes un milan noir qui regagnait son aire après ses emplettes et des martins-pêcheurs pratiquant leur gymnastique matinale ponctuée de surprenants zigzags imprévisibles. Plus loin des mouettes rieuses se racontaient les derniers cancans de la lagune, ponctués de longs glapissements narquois ;
* A la lettre S, nous décodâmes des sternes caugek se chamaillant à propos d’on ne sait quel vermisseau volé ;
Nous aurions pu décliner encore d’autres lettres de l’alphabet plumé des lieux, mais l’heure du repas dépassée depuis fort longtemps ramena comme un vol d’étourneaux les participants, tout autant affamés qu’éblouis, vers leur nid douillet.