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Dans le cadre de la Fête de la Science, l’association des Amis du Parc avait donné rendez-vous aux curieux et amoureux de la nature pour une sortie « Migration d’automne » dans la région de Pinarellu, vaste zone humide où nombre d’étangs ourlent le superbe golfe qui s’ouvre sur la Tyrrhénienne.
Ce site d’Importance Communautaire au réseau Natura 2000, sur lequel l’association rédige un Docob, couvre une superficie totale de 133.7 ha et est constitué essentiellement d’espaces dunaires, d’étangs et de Subéraies.
Ces trois milieux se déclinent ainsi :
* Deux espaces dunaires se situent à l’Ouest de la Zone Natura 2000, la dune de Pinarellu qui occupe le fond de la célèbre baie et celle de Villata, haute de près de 10 mètres. Toutes deux sont extrêmement fragilisées et menacées par la fréquentation humaine ;
* Quatre étangs s’étendent à l’arrière des espaces dunaires et sont reliés à la mer par de graus. Deux, jouxtent le village de Pinarellu et deux autres se situent plus au sud. L’action de l’homme sur le milieu a bouleversé l’équilibre fragile des apports en eau douce et salée au risque de voir disparaître irrémédiablement ces zones humides, havres de vie pour notamment les oiseaux migrateurs.
* Enfin, la Subéraie occupe pratiquement tous les espaces boisés au nord du site et entre les étangs. Ces boisements traduisent souvent l’abandon des terres agricoles et le passage du feu.
En plus de Geneviève, la directrice de l’association et de Richard agent d’animation, deux administrateurs particulièrement férus d’ornithologie, Claude et Tony encadraient la quinzaine de personnes qui piaillaient d’impatience à l’idée d’observer la faune ailée grâce aux nombreux moyens optiques mis à leur disposition.
A pas de loup pour ne pas troubler la quiétude des lieux, en une file que n’aurait pas reniée une hypothétique autochtone tribu indienne, nous nous approchâmes du premier étang situé non loin de la départementale et des constructions, deux facteurs aggravants quant à une pollution potentielle. D’une profondeur de 2 mètres environ, communiquant avec la mer pratiquement toute l’année et ne recevant aucun grand ruisseau, il présente une végétation de bordure de prés salés et sansuires qui caractérise sa forte salinité. Elle se traduit également par la dégénérescence de nombreux pins qui bordent ses rives. A notre approche un héron cendré s’éloigna à grands coups d’ailes, outré que des intrus puissent le déranger dans sa quête alimentaire matinale. Les grèbes castagneux, moins farouches procédaient à une revue parfaitement orchestrée par un meneur au bec altier. Quelques roseaux plus loin, une aigrette garzette, l’œil mi-clos, abandonnait au démêloir du vent ses plumes naguère si recherchées par les élégantes, un citiscole des joncs somnolait sur une tige que son poids minuscule ne semblait pas incommoder, et dans le plus profond de l’étang, le chant puissant et rauque de la rousserole turdoïde couvrait la rumeur confuse de la roselière. Est-ce utile de narrer combien les téléspectateurs écarquillaient des yeux à ce spectacle plumé et chantant.
Quelques émerveillements plus tard, l’équipe se transporta vers le grand étang de Padulatu qui dort chaque nuit dans la partie sud de la baie. Cette zone a été parcourue par un incendie en 2007 et sa végétation est en train de se reconstituer. La faune, qui a dû beaucoup souffrir du passage du feu, n’en est pas moins aucunement rancunière à l’homme et colonise de nouveau le milieu. En plus des espèces précédemment remarquées, nous aperçûmes un busard des roseaux planer dangereusement sur le tapis humide de l’étang, des foulques macroules plongeaient à tour de rôle à la recherche de nourriture tandis qu’une sorte de jury hochait de la tête aux prouesses de leurs congénères, un tarier pâtre arborait son plumage en partie masqué par des liserés chamois et brunâtres, des goélands leucophée bien campés sur leurs ailes entreprenaient un quadrillage de l’étang que n’aurait pas renié un géomètre expert.
Il était temps de faire la pause de midi, que nous accomplîmes sur la plage voisine, sous l’air vivifiant du large, métissé des senteurs mêlées des posidonies, des genévriers, des oyats et des cistes de mer.
Une fois sustentés, nous repartîmes en direction de la zone humide de Padulu tortu, à travers la subéraie. Cet étang se distingue par une végétation très clairsemée qui ne favorise pas la fréquentation aviaire. Seule une bécassine des marais troublait la quiétude des lieux en exécutant des entrechats sur le parquet vitreux du marais. Nous dûmes admettre à contrecœur que ce n’était pas un lieu vraiment propice à l’observation. Qu’à cela ne tienne, se dressait dans son prolongement la plus belle dune de l’ile, celle de Villata où nous nous rendîmes en petites foulées. Elle borde une anse paradisiaque en vue d’Isola di Corsi, l’île où la République de Gênes fit construire une tour de surveillance en 1608.
Une curiosité est à voir dans les environs : sur une falaise, les strates consécutives aux dépôts alluvionnaires d’une ancienne rivière se lisent comme un livre ouvert. Alternance de sable, de gravier, de galets, autant de pages d’un livre écrit il y fort longtemps, en des temps où le mot sécheresse était encore à inventer. Arpentant la dune, ou d’énormes genévriers à gros fruits sertissent des montagnes de sable de leurs interminables racines, nous retournâmes vers le camp de base.
La belle équipe alors se sépara, non sans se promettre de recommencer, encore une autre fois, ce voyage presque onirique en ces lieux où l’on ne connaît plus vraiment où se situe la frontière entre la terre et l’eau.