Conservatoire d'espaces naturels de Corse

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Journée Internationale des zones humides

Sortie Nature - Le 06/02/2011 - Lieu : Embouchure du Rizzanese


Une semaine seulement après la sortie de San Giuliano, les Amis du Parc se retrouvaient cette fois-ci sur la côte Ouest de l’île et plus précisément sur le port de Propriano, dans le cadre de la journée internationale des zones humides, évènement annuel incontournable pour commémorer la signature de la Convention sur les zones humides, le 2 février 1971, dans la ville iranienne de Ramsar, au bord de la mer Caspienne. Chaque année depuis 1997, des organismes gouvernementaux, des organisations non gouvernementales, des association oeuvrant dans le domaine de l’environnement et des groupes de citoyens profitent de l'occasion pour lancer des actions de sensibilisation du public aux valeurs et aux avantages des zones humides en général, et de la Convention de Ramsar en particulier.
C’est dans ce cadre que les Amis du Parc avaient convié leurs adhérents à découvrir la zone humide de l’estuaire du Rizzanese, sur laquelle elle mène des actions de recherche et de surveillance depuis de nombreuses années, sur un site classé Natura 2000.
Le Président après avoir souhaité la bienvenue aux Amis présents, rappela que ces étendues de marais, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, couvrent dans le monde environ 750 millions d'hectares, mais qu’au cours des cinquante dernières années, le drainage, la pollution, l'irrigation, les guerres et le changement climatique ont entraîné la disparition de 50% de ces zones humides.
Celle circonscrite dans l’embouchure du Rizzanese a connu bien des vicissitudes, depuis notamment la construction de l’aérodrome de Tavaria, au début des années 1970.
C’est in situ que le Président convia les participants à se rendre pour se rendre compte de l’importance de la zone qui fait l’objet de tous les soins de l’association.
Et donc, au sud de l’immense plage de Portigliolo, à l’endroit même de l’estuaire « historique », les participants se retrouvèrent pour la présentation détaillée du milieu. Une première escouade, sous la conduite de Julie Peinado, contractuelle de l’association, arpenta les dunes qui séparent la mer de la zone humide constituée par le bras mort du fleuve, tandis qu’un second groupe se rendit sur la rive droite de l’estuaire actuel, avec Richard Destandau, chargé d’études aux Amis du Parc.
Les deux groupes purent découvrir l’anchusa crispa, plus connue sous le nom de Buglosse crépue, plante relictuelle endémique et très menacée de la Corse et de la Sardaigne.
Julie et Richard se complurent à nous décrire les actions de suivi et de protection du végétal notamment par des clôtures que l’association a implantées sur le cordon lagunaire et nous apprirent par ailleurs qu’un plan dirigé par le Conservatoire botanique de Corse (19,office de l’Environnement de la Corse) œuvre à la conservation de cette plante.
Autre espèce suivie et menacée : la tortue cistude qui doit faire face tout à la fois à l’assèchement du bras mort dans lequel elle nidifie mais également à la présence invasive de la tortue de Floride qui, sans action d’importance, éradiquerait définitivement sa cousine corse de son propre milieu naturel.
Richard aborda ensuite le rôle que les Amis du Parc mènent depuis quelques années dans un travail d’inventaire, de « l’état zéro » de l’estuaire avant la mise en eau du barrage.
Ce bilan revêt d’autant plus d’importance que personne ne peut, à l’heure qu’il est, connaître les conséquences ultérieures des lâchés d’eau que fera E.D.F. lors du turbinage de sa centrale, estimés à 15 m3 par seconde. Ce diagnostic écologique donnera l’état de santé de cette zone humide avant la mise en eau du barrage, prévue pour l’année prochaine. On pourra ainsi discerner les impacts éventuels sur le milieu et les corriger immédiatement par des mesures appropriées.
Grâce au soutien du Conservatoire du Littoral et de l’Agence de l’Eau, une série d’échelles limnimétriques et de piézomètres sont essaimés sur toute la zone et relevés périodiquement. Ils permettent de mesurer notamment la variation du niveau du fleuve et la salinité et la température de la nappe phréatique en fonction des saisons.

C’est en longeant l’estuaire emprunté par un fort courant, issu de la fonte des neiges du Cuscionu, favorisée par le soleil printanier qui sévissait depuis plusieurs jours, que les Amis du Parc se retrouvèrent pour une collation dans le local de l’association à Propiano.

L’après-midi fut consacrée à une intervention d’Alain Gauthier, spécialiste de la géologie insulaire, qui nous entretint du passé de cet l’estuaire et à une autre de Richard qui nous proposa une approche scientifique de son travail, toutes deux confortées par de superbes diaporama.

Alain débuta ses propos en nous présentant une carte génoise du XVème siècle, où il est manifeste que l’estuaire descendait bien plus au sud, enrichissant toute la plaine qui jouxte la plage de Capigliolo. Il en est de même sur le Plan terrier de la fin du XVIIIème où l’on peut discerner des méandres traverser l’actuel bras mort du fleuve. Toutefois, Alain insista sur le fait que parfois la nature reprend ses droits et l’ancien cours se recharge en eau pour inonder toute l’arrière dune de Capigliolo.
Il y a seulement 20.000 ans, le niveau des mers étant bien plus bas, les cours du Rizzanese et du Baracci se rejoignaient dans un estuaire qui est maintenant immergé. Celui-ci est nettement visible par son empreinte dans la roche sous jacente, la remontée des eaux ayant complètement bouleversé le paysage de l’époque pour éloigner désormais de plusieurs kilomètres les deux embouchures.
Ainsi, pour la période allant du Paléolithique à nos jours, Alain put démontrer que ce n’est que depuis 40 ans que la donne à changé du fait que la construction de l’aéroport a radicalement bouleversé le cours terminal du Rizzanese. Un de ces bras a été coupé longitudinalement par la piste d’aviation, ce qui a nécessité un nouveau tracé du lit du fleuve et une forme plus rectiligne, ce qui accélère la vitesse de l’eau avec tous les effets induits.

Cédant la parole à Richard, ce dernier nous présenta le fruit de ses recherches, synthétisées sur de superbes graphiques qu’il s’ingénia à commenter et expliquer.
Il mit à mal une idée reçue relative à la salinité du milieu en fonction de l’éloignement du rivage. En vérité, les piézomètres ont révélé une salinité bien supérieure dans la partie de la plaine la plus distante du littoral par le phénomène bien connu du « biseau salé » qui fait passer l’eau de mer plus dense sous l’eau douce de surface, ce phénomène s’accentuant en cas de forte houle.
Richard nous dit que quatre scenarii sont désormais possibles :
* Le niveau de la mer continue de monter consécutivement au réchauffement climatique, d’environ 1,5 mm/an et aboutira à terme à la submersion du bras mort ;
* Le même réchauffement climatique conduira à de nombreux incendies et donc à une érosion des sols qui seront charriés in fine jusqu’à l’estuaire ;
* Le barrage, n’étant doté que d’une vanne de demi-fond, une grosse partie des sédiments seront piégés et ne pourront plus engraisser l’estuaire ;
* Des interférences croisées de tous ces facteurs conduisent à des conséquences imprévisibles.

On nous présenta enfin, six superbes panneaux relatifs au danger représenté par la tortue de Floride, dont des milliers ont été rejetées dans les cours d’eau insulaires par des propriétaires inconscients de la menace qu’il faisait peser sur la faune endémique. Plus généralement, une exposition itinérante parcourra les écoles pour sensibiliser les enfants sur les dangers que représentent les espèces invasives.

C’est ainsi que prit fin cette passionnante journée qui permit à tous de se remettre en mémoire combien la diversité biologique des zones humides constitue une richesse naturelle dont dépend notre bien-être physique et psychologique.